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produit de tels accidens et qui finit par impuissance de vivre. L’apologie du gouvernement personnel est-elle la préface absolument nécessaire de réformes libérales ?

En définitive, et en attendant la discussion publique qui va s’ouvrir, le sénatus-consulte, après les délibérations intimes de la commission sénatoriale, reste à peu près tel que l’a proposé le gouvernement. On a discuté pendant quinze jours, on a pesé et disséqué des amendemens, on a confronté des systèmes, et on a fini par en revenir au projet primitif, sauf une modification qui tend à faire passer dans le domaine du sénatus-consulte le règlement des rapports des pouvoirs publics. La crainte de trop faire a sans doute empêché la commission de se rallier aux amendemens plus libéraux qui avaient été présentés, notamment par M. Bonjean, et la crainte de ne pas faire assez l’a plus probablement encore empêchée d’accepter l’amendement réactionnaire de M. Rouland, qui proposait ni plus ni moins de revenir à la constitution de 1852 sur le point le plus essentiel, le plus délicat, la responsabilité impériale. Le sénatus-consulte reste donc intact. C’est une œuvre qui n’est pas sans incohérence, il faut bien en convenir, et qui se ressent trop d’une préoccupation fixe, celle de vouloir tout concilier en rattachant absolument les réformes actuelles à la constitution de 1852. Assurément on ne voit pas trop comment on pourra faire vivre ensemble cette responsabilité impériale, qui demeure entière, et la responsabilité ministérielle, qui reparaît dans nos institutions. Logiquement une de ces responsabilités doit tuer l’autre. Il n’y a que M. de Persigny pour combiner tout cela, comme il vient de le faire encore une fois dans son conseil-général, et pour trouver aussitôt une théorie nouvelle, supérieure naturellement à toutes les autres théories connues, à celle de l’ancienne responsabilité ministérielle selon le régime parlementaire, et à celle de la responsabilité unique de l’empereur selon la constitution de 1852. M. de Persigny a découvert le secret, il l’a dans la main, il l’a d’ailleurs généreusement communiqué aux conseillers-généraux de la Loire ; mais M. de Persigny n’est peut-être pas une autorité infaillible. Sans doute encore on ne voit pas trop comment on pourra concilier les prérogatives diverses attribuées aux deux assemblées, le corps législatif ayant toutes les facultés d’initiative dans le domaine ordinaire des lois, le sénat gardant un pouvoir constituant, démesuré ou inutile. Que fera le sénat de ce pouvoir constituant, lui qui n’en a jamais rien fait jusqu’ici de son propre mouvement. Somme toute cependant, l’essentiel est dans le sénatus-consulte. C’est le corps législatif retrouvant le droit d’initiative sous toutes les formes, et reprenant par suite l’ascendant dans la marche des choses, c’est le pays redevenant majeur, libre d’intervenir dans ses affaires. Le gouvernement et le sénat décrètent, promulguent ; c’est l’opinion qui interprète, qui reste maîtresse de déterminer le caractère, la portée des réformes nouvelles, et M. Emile Ollivier a dit le mot vrai dans le discours par lequel