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volumineuse brochure qui donne au commencement de chaque semestre l’heure et l’objet des cours de l’université est toute en latin. L’amphithéâtre, la chaire ; élevée au-dessus des bancs comme dans une classe de collège, rappellent aussi la vieille tradition pédagogique. La parole descend du maître à l’élève au lieu de lui être adressée en face, comme dans nos salles, disposées en gradins.

Cependant la science allemande se débarrasse peu à peu de tout cet appareil suranné, l’enseignement subit une transformation radicale. Avec sa merveilleuse souplesse, il se met à l’unisson des tendances modernes. Les amphithéâtres se renouvellent comme les doctrines qu’on y enseigne, les laboratoires sortent de terre, l’outillage se complète, et ce sont les sciences de la vie, liées de plus près que les autres aux problèmes religieux et sociaux de l’époque, qui marchent en tête de ce grand mouvement. A Berlin, l’anatomie est aujourd’hui logée dans un bâtiment de proportions grandioses et élégantes, sans futilités, sans ornemens déplacés ou prétentieux ; si les peintures archaïques des couloirs rappellent encore le vieil esprit allemand, la disposition générale de l’édifice est conçue d’après les vues les plus récentes de la science. On y trouve des collections, des cabinets d’instrumens, des salles d’étude pour toutes les recherches. L’amphithéâtre, construit sur le plan des nôtres, est machiné avec un soin curieux : la table arrive, chargée des objets de démonstration, dans le vaste espace réservé au professeur ; elle est mobile et peut être tournée dans toutes les directions. La chimie, la physique, ont aussi leurs amphithéâtres spécialement construits pour elles.

Le luxe déployé à Berlin en faveur des études pratiques d’anatomie l’est aussi également à Bonn. Pour les laboratoires de ces deux villes, le gouvernement prussien a dépensé 800,000 thalers environ, le royaume de Hanovre 100,000 thalers pour celui de Gœttingue, 100,000 thalers aussi le petit état de Bade pour le laboratoire de Heidelberg, le plus beau et en ce moment le plus célèbre de toute l’Allemagne. On l’appelle le Palais de la Nature (Natur-Palatz). Il est le domaine de M. Helmholtz. Celui-ci, après avoir fait ses études à Berlin, était devenu, tout jeune encore, professeur à l’université de Kœnigsberg. L’importance des travaux qu’il y publia le firent appeler à Bonn, où il enseigna l’anatomie et la physiologie. Le gouvernement prussien commit alors la faute de ne pas retenir par quelques sacrifices un homme de cette valeur. Le gouvernement de Bade, mieux avisé, lui fit les propositions qui devaient l’amener et le fixer à Heidelberg. C’était en 1857. Le nouveau professeur eut pleins pouvoirs de disposer son laboratoire à sa guise et de créer un établissement digne des grandes choses dont il entrevoyait déjà la réalisation. Le Natur-Palatz a des laboratoires spéciaux de chimie, de physique, de physiologie ; les instrumens abondent, et rien