Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/628

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une prison, avec larges cours plantées d’arbres, escaliers à rampes de bois, dortoirs sous les combles, pistoles installées dans des chambres assez aérées, ateliers pris au hasard dans les premières salles venues, vastes réfectoires, hautes murailles, chapelle suffisante et nue, petit oratoire élevé sur l’emplacement même de l’appartement de saint Vincent de Paul, car c’est là que fut le berceau de l’ordre des lazaristes. C’est la seule maison qui à Paris soit destinée à recevoir des femmes. On a beau les séparer par catégories, dans des quartiers distincts et les clore de grilles ; le vice d’un pareil entassement saute aux yeux. Quatre divisions renferment les prévenues, les condamnées, les jeunes filles qui subissent la correction paternelle, enfin les filles publiques détenues administrativement. Et comme si ce n’était pas assez de cette agglomération au moins singulière, on a fait venir à Saint-Lazare une certaine quantité de recluses infirmes empruntées au dépôt de mendicité de Saint-Denis, qui est tellement encombré qu’on n’y trouve plus de place. Jamais un médecin n’aurait l’idée de mettre dans le même hôpital des malades ordinaires et des individus atteints de maladies contagieuses infailliblement mortelles. Cependant c’est ce qu’on fait à Saint-Lazare. Ce n’est point qu’un tel état de choses n’ait vivement frappé la préfecture de police ; mais dans l’espèce elle n’est que pouvoir exécutif : elle répond des prisonniers et ne fait point bâtir les prisons. Elle réclame, elle proteste, et, comme elle n’a point de budget, elle est bien obligée d’en passer par où l’on veut. Dès 1842, elle demanda la construction d’une maison destinée à recevoir les prévenues, les détenues au-dessous de seize ans et les jeunes filles mineures enfermées par voie de correction paternelle. Elle s’adressa naturellement à celui qui tient les cordons de la bourse, au conseil municipal, qui répondit qu’il n’avait point d’argent. Elle renouvela ses instances en 1843, 1849, 1851 ; elle démontra, et cela n’était point difficile, le danger de la situation faite aux détenues et à l’administration, car c’est celle-ci qu’on accuse d’abord et sans chercher à se rendre compte des obstacles qui paralysent ses efforts ; même réponse, point d’argent. Le 22 juin 1867, une loi supprime la contrainte par corps et va rendre libre la maison de détention pour dettes. Vite, il faut profiter de cette circonstance favorable et placer enfin convenablement des enfans qu’il s’agit d’arracher à la corruption et à la gangrène morale qui s’attachent à elles dans cette maison pestiférée de Saint-Lazare. Le préfet de la Seine, consulté, répond qu’il va faire mettre en vente les matériaux composant la prison de Clichy. On insiste avec toute sorte de bonnes raisons ; en 1868, la lutte continue ; au mois de février 1869, elle reprend de plus belle. La question en est là ; depuis dix-sept ans, elle n’a point fait un pas. On démolira l’ancienne prison pour dettes,