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poissons actuels, on voit que leurs vertèbres molles ou incomplètement ossifiées et le prolongement de leur queue constituent un type embryonnaire de vertébrés et un degré inférieur de la classe des poissons. Les poissons d’aujourd’hui, couverts d’écailles mobiles, plus libres dans leurs mouvemens et en tout plus parfaits, seraient le terme supérieur de l’évolution des précédens. La même tendance se manifeste chez les plus anciens reptiles, qui présentent avec les poissons eux-mêmes plus d’un rapprochement. L’ordre des labyrinthodontes, dont ces reptiles font partie, offre des caractères ambigus qui le placent, dans l’opinion de M. Pictet, entre les batraciens d’une part et les sauriens de l’autre. Enfin c’est encore un type embryonnaire que l’oiseau célèbre de Solenhofen ou archœopieryx, dont les vertèbres caudales, prolongées en queue véritable au lieu d’être soudées en croupion, fournissent un exemple d’organisation analogue aux précédens. Les mammifères de l’époque secondaire, plus nombreux et mieux connus que les oiseaux, sont propres à confirmer dans les mêmes idées. Rares et chétifs en Amérique comme en Europe, ils se rattachent aux marsupiaux, c’est-à-dire aux mammifères les plus imparfaits, à ceux qui rappellent le plus les ovipares.

Ainsi, malgré d’énormes lacunes, ce que nous savons du début de chaque classe nous montre toujours des combinaisons inachevées servant de transition vers une structure plus avancée. Chaque groupe, à mesure qu’il grandit en importance, revêt successivement des caractères plus distinctifs et plus compliqués. Les dégénérescences elles-mêmes sont l’effet naturel de certaines complications. Parmi nos poissons modernes, il en est certainement d’inférieurs aux poissons cartilagineux des premiers âges, et chez les reptiles les serpens dépourvus de membres, de même que les édentés chez les mammifères, n’ont rien de vraiment supérieur aux types qui se montrent à l’origine de chacune de ces classes. Ils sont cependant le produit d’une série d’élaborations et d’adaptations de plus en plus complexes.

Si les embranchemens et les classes convergent au début, les ordres et les genres doivent manifester les mêmes tendances : en effet, la même ambiguïté de caractères se remarque à l’origine de toutes les séries, surtout dès qu’elles sont bien connues. Les premiers carnassiers ont une infériorité relative. Les types intermédiaires entre les tribus les plus distinctes de l’ordre actuel se multiplient à mesure que l’on redescend la série des étages et jusqu’au moment où les derniers types se dégagent et se fixent. L’amphicyon, remarque M. Gaudry, était moitié chien, moitié ours ; l’hyœnarctos, plus rapproché des temps quaternaires, était ours aux trois quarts, mais retenait encore un peu du chien, tandis que le pseudocyon était au contraire très près du chien et un peu ours ; d’autres