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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/659

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qu’à l’alimentation, comme dans l’âge précédent. — Deux espèces de porcs, deux ou trois sortes de bœufs, une petite race de moutons à jambes hautes et grêles, et différant tout à fait des races actuelles, composaient le bétail ; la chèvre paraît avoir été plus abondante en Suisse que le mouton. — Les habitans de l’Europe méridionale ont de leur côté utilisé et probablement apprivoisé très anciennement le lapin.

L’agriculture devait être bien peu avancée ; cependant elle comprenait déjà dix sortes de céréales, cinq de froment, trois d’orge et deux autres graminées. Les pois, le pavot, le lin, la pomme, la poire et la noisette ont été recherchés et par conséquent cultivés de bonne heure. Du reste les grains de blé et d’orge étaient petits et peu nourris ; les fruits chétifs et le grand nombre de plantes et d’animaux sauvages utilisés comme aliment prouvent à quel point les ressources fournies par la culture et par l’élève du bétail étaient encore précaires. De la simplicité de ce premier état, la domesticité et la culture sont arrivées peu à peu à ce qu’elles sont de nos jours, où leurs riches produits couvrent le monde et suffisent à l’alimentation de peuples innombrables. Quelle énumération ne faudrait-il pas entreprendre pour compter les plantes de toute sorte, alimentaires, oléagineuses, saccharines, fourragères, textiles, tinctoriales, médicinales, que les Européens ont introduites ou améliorées ! Quant aux animaux, il suffit de rappeler les merveilles obtenues par l’élevage des bêtes de somme, de labour, et de celles qui sont destinées à donner leur toison ou à fournir leur chair ; enfin comment ne pas mentionner, même incidemment, ce que l’homme a fait du cheval, en créant d’une part les races les plus fières et les plus rapides, de l’autre les plus utiles et les plus vigoureuses ? A l’imitation de la nature, il a fait surgir partout de nouveaux êtres analogues à ceux que nous désignons du nom d’espèces.

Il est impossible en effet de nier les différences qui séparent entre elles les races domestiques ; mais, si ces diversités sautent aux yeux, il est permis de se demander quelle en est la valeur réelle et surtout la raison d’être originaire. Ici l’accord cesse de se manifester parmi les naturalistes, et l’on voit se dessiner trois écoles bien distinctes. Les uns considèrent surtout que l’homme, en se rendant maître des animaux et des plantes qu’il a pliés à son usage, a dû profiter de certaines circonstances favorables et de certaines aptitudes inhérentes à ces êtres eux-mêmes, et qui n’ont dû se rencontrer qu’assez rarement et sur des points limités. Admettant en outre que l’homme est apparu sur la terre à une époque relativement récente, et que toutes les races humaines descendent d’une souche unique, ils pensent qu’il a domestiqué originairement un nombre d’espèces assez restreint qui l’auraient accompagné dans ses migrations et auraient