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Quelques auteurs l’ont fait descendre du loup, du chacal ou d’une espèce primitive unique ; mais l’opinion qui le fait venir de plusieurs espèces d’abord distinctes, puis diversement mélangées, semble avoir prévalu. En consultant certains monumens historiques, on voit qu’il existait déjà, il y a quatre mille ou cinq mille ans, plusieurs races séparées, présentant des traits caractéristiques des nôtres, chiens pariahs, lévriers, courans, dogues, bichons et bassets. Pourtant on ne saurait songer à identifier ces races avec les variétés correspondantes actuelles, qui en sont plutôt des répétitions parallèles que des prolongemens directs. La ressemblance singulière de beaucoup de races de chiens de divers pays avec les animaux sauvages qui habitent à côté d’eux est encore un élément qui doit être pris en considération. Réelle, fortuite ou exagérée, cette ressemblance a de tout temps préoccupé les voyageurs, et dans certains cas elle constitue un indice frappant. Les croisemens volontaires des chiens domestiques avec les espèces sauvages congénères paraissent être pratiqués par les Indiens d’Amérique ; plus au nord, chez les Esquimaux, le rapport devient tout à fait frappant. Il est vrai que les chiens des contrées polaires ont un rôle et des fonctions spéciales à remplir. Ils constituent les attelages des traîneaux, et reçoivent en retour une part de nourriture qu’il leur serait impossible de se procurer dans la saison froide, s’ils étaient abandonnés à leur instinct ; mais en dehors du service qu’on exige d’eux ils ne montrent pour l’homme aucun attachement : livrés à eux-mêmes, se roulant sur la neige, insensibles aux caresses, ils conservent les allures, le regard farouche, la queue basse du loup, et se croisent fréquemment avec ce dernier, donnant alors des produits d’une sauvagerie extrême. Ici donc la prétendue barrière entre la race du loup et celle du chien disparaît, et que le chien des Esquimaux soit un loup apprivoisé, ou le loup arctique un chien sauvage ayant les mœurs du loup, la confusion entre les deux races n’en est pas moins manifeste.

Les chiens de l’Amérique méridionale ressemblent de même au cancrier (canis cancrivorus) et se croisent fréquemment avec lui ; les chiens d’Awhasie rappellent le chacal, ceux de la côte de Guinée se rapprochent du renard ; il n’est pas jusqu’au chien de Hongrie dont la ressemblance avec le loup d’Europe ne soit très marquée, de même que celle des chiens pariahs de l’Inde avec le loup du même pays. D’un autre côté, rendus à l’état sauvage, nos chiens domestiques sont très loin de revêtir partout une coloration uniforme, d’affecter les mêmes mœurs et de présenter les mêmes caractères. Les uns perdent la faculté d’aboyer, et les autres, comme ceux de la Plata, la conservent ; ceux de Cuba diffèrent des chiens marrons de Saint-Domingue par la couleur de la robe et celle des yeux. Les