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de songer à un transport accidentel des semences. Faut-il, avec M. Darwin, faire intervenir ici l’époque glaciaire, pendant laquelle la flore arctique s’étendait jusqu’au cœur de l’Europe, et la flore des régions tempérées jusqu’aux confins des tropiques ? A mesure que les glaciers ont disparu, les plantes de cette époque se seraient retirées sur les montagnes, où elles trouvaient encore un climat approprié à leurs conditions d’existence, tandis que les plaines se couvraient d’une végétation différente, éclose sous le souffle d’un air plus chaud. Cette hypothèse rend compte de l’existence d’une flore européenne sur les volcans éteints de Java, elle s’accorde d’ailleurs avec les faits qui prouvent que cette île a fait partie autrefois du continent asiatique.

Du mois de novembre 1861 au mois de janvier 1862, M. Wallace a parcouru Sumatra. La plus curieuse de ses captures fut un couple de calaos ; il eut à la fois le mâle, la femelle et un petit. Ce dernier était gros comme un pigeon, mais sans aucune trace de plumes sur sa peau transparente ; il avait moins l’air d’un oiseau que d’un ballon de gelée dans lequel on aurait planté une tête et des pieds. Le mâle a l’étrange habitude de murer la femelle avec son œuf dans le creux d’un arbre, il la nourrit à travers une petite ouverture pendant l’incubation et jusqu’à ce que les plumes aient poussé au petit.

En examinant avec attention la faune des trois îles indo-malaises, on n’a pas de peine à constater l’étroite analogie qu’elle offre avec celle de Siam, de Ceylan, de l’Inde et en général avec la faune du midi de l’Asie. Nul doute qu’à une époque éloignée ces terres n’aient été réunies au continent par des plaines basses, dont le détroit de Malacca et le golfe de Siam occupent aujourd’hui la place. En comparant entre elles les productions des trois îles, on peut même fixer d’une manière approximative l’ordre dans lequel la scission s’est opérée. C’est d’abord Java qui a été séparée du continent, Bornéo s’est détachée ensuite, et en dernier lieu seulement Sumatra ; mais depuis cette époque les convulsions du sol ont pu rapprocher plus d’une fois les lambeaux de terre violemment déchirés, déterminant d’une île à l’autre à chaque réunion temporaire des migrations dont les traces semblent se trahir dans la distribution anormale de quelques-unes des espèces existantes. La configuration de Bornéo, dont les chaînes, entrecoupées par de nombreuses vallées d’alluvion, rayonnent dans toutes les directions, ferait supposer qu’elle a été à un certain moment plus complètement submergée qu’elle ne l’est aujourd’hui, et que ses golfes ont été peu à peu comblés par des sédimens d’alluvion en même temps que les forces souterraines ont relevé le noyau de l’île. Tout semble d’ailleurs attester des révolutions géologiques récentes et fort compliquées. Ainsi l’on est