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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/721

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attachement diminue peu à peu, et bientôt commencent pour l’un comme pour l’autre de nouvelles affections.

Tout ce qui précède peut s’appliquer également au cachalot, avec cette seule différence qu’au lieu d’avoir des fanons celui-ci a la mâchoire inférieure armée de dents énormes, ce qui le rend bien moins timide. Le ravage qu’il produit est considérable. Dans sa marche, il saisit les poulpes, les sèches qu’il rencontre ; sa route est semée des débris de ses nombreuses victimes. Attaqué par l’homme, il revient sur les embarcations, et fait courir de graves dangers aux équipages. Il n’a qu’un seul évent, et on le reconnaît de loin à son souffle unique et visiblement incliné ; de plus, au lieu de flâner comme le fait la baleine quand elle n’est pas poursuivie, il fait toujours route, et on le rencontre rarement seul. Il n’y a que ceux des plus grosses espèces qui voyagent isolément ; ceux-là, les pêcheurs les désignent sous le nom de solitaires.

Abordons maintenant une question très complexe, sur laquelle on n’est pas encore parvenu à s’entendre. Tous les pêcheurs que nous avons consultés sur la nourriture de la baleine nous ont affirmé que son estomac ne renfermait jamais autre chose que ces petits crustacés rouges, quelquefois verts, qui constituent la boëte ; or ces boëtes se rencontrent très rarement dans les baies, et on ne les voit en tout cas que vers l’été. De quoi vit donc la baleine dans la saison où lui manque cette nourriture ? — Nous croyons qu’elle jeûne, et ce qui justifie cette opinion, c’est qu’il y a peu d’animaux qui aient des organes digestifs aussi compliqués et par conséquent plus aptes à faire supporter un jeûne prolongé. Au mois d’avril, au moment où elles se lèvent, les baleines courent au large, et cherchent leur pâture avec une grande activité ; nous les suivons dans leur vie de famille jusqu’au mois de décembre, puis les baleiniers les voient toutes prendre la direction du sud-ouest, et à partir de ce moment elles disparaissent entièrement jusqu’au mois d’avril de l’année suivante. Où vont-elles, que deviennent-elles, que font-elles pendant ces trois mois ? Quelques vieux capitaines baleiniers pensent qu’elles cherchent un gîte sûr et dorment jusqu’au printemps. A l’appui de cette supposition, ils allèguent d’assez bonnes maisons : au commencement de la saison, la baleine est visiblement avide de nourriture, et de plus son corps est à ce moment couvert de parasites, tels que le pou de baleine, la bernique, coquillages qui ne se trouvent qu’au fond des mers et contre les rochers. Certainement ces petits animaux n’auraient pu s’attacher à elle, si elle avait toujours nagé au milieu des eaux. Voici d’ailleurs un fait qui mérite d’être rapporté. Le capitaine français Lopez avait mouillé son navire devant le Triston, au large du cap de Bonne-Espérance ; un souffle apparaît près de