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ceux qui ont été décrits plus haut, mais dans le sens de l’axe longitudinal ; en un mot, il procède par injection pour répandre le poison dans la plaie. De cette manière, le harpon tient bon, la ligne est solidement amarrée, et la baleine reste sans mouvement, quoique toujours vivante. Avec cet engin, on peut employer la chaloupe à vapeur, ce grand auxiliaire dont on prévoyait toute la puissance, mais qu’on ne pouvait utiliser tant qu’il était indispensable d’approcher l’animal à trois ou quatre brasses. Maintenant qu’il est facile d’atteindre la baleine à 60 mètres, on n’a plus à craindre de l’effrayer par le bruit de l’hélice, et dès qu’elle sera frappée, on courra sur elle à toute vapeur ; pendant qu’elle est inerte, il sera aisé de la larder eu toute sécurité de harpons munis d’outrés gonflées d’air, — système employé par les Lapons, — et, grâce à ces bouées qui la maintiennent, d’empêcher qu’elle ne sombre. Par ce moyen, un navire peut remorquer jusqu’à terre, lorsque la côte n’est pas trop éloignée, trois ou quatre baleines pour les virer en chantier, et de là ressort un avantage des plus considérables pour la pêche. On aura remarqué en effet avec quelle prodigalité les pêcheurs traitent la baleine quand ils la virent le long du bord en pleine mer. Après lui avoir enlevé la tête, la langue et l’enveloppe lardacée, ils abandonnent tout le reste, parce qu’il leur est impossible, à cause des mauvaises conditions dans lesquelles ils se trouvent, de pousser plus loin l’exploitation ; mais que de choses perdues ! Que de barils d’huile ne retirerait-on pas de la panne, du diaphragme, de la graisse adhérente aux entrailles, et quelle quantité de guano ne ferait-on pas avec cette masse considérable de chair et cette prodigieuse quantité de viscères ! Les os eux-mêmes peuvent fournir une gélatine fort demandée sur les marchés, et enfin l’ambre que l’on rencontre très fréquemment dans l’intestin du cachalot, jusqu’à la fiente même, espèce de matière colorante d’un rouge spécial, et qui pourrait dans l’industrie rivaliser avec les rouges d’aniline et les différentes nuances équivalentes qui ont eu dans ces derniers temps une si grande vogue, toutes ces richesses, aujourd’hui abandonnées, seraient recueillies. En somme, le produit d’une baleine virée en chantier s’accroîtrait de plus d’un tiers.

Voilà donc le problème résolu par la transformation de l’outillage ; il reste encore une question non moins importante, et qui demande aussi un sérieux examen ; c’est la législation qui régit nos pêches. Si du côté de l’outillage nous en étions naguère au harpon primitif des Lapons, du côté de la législation, il est pénible de l’avouer, nous nous en tenons encore aujourd’hui aux édits de Colbert. Ce qui tue nos pêches, ce qui a ruiné celle de la baleine et ce qui tend à ruiner toutes les autres, c’est cette réglementation absurde