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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/746

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de transformation qui s’accomplit n’aura pas atteint le terme où il doit aller, tant qu’il ne sera pas une réalité définitive. Nous nous débattrons sur l’élection des maires et sur l’abrogation de l’article 75 de la constitution de l’an VIII, et sur le système des circonscriptions électorales, et sur les candidatures officielles. C’est le thème inévitable de toutes les polémiques, le menu obligé de tous les programmes. Ce qui prend aussi de l’importance, quoique à un autre point de vue et dans un ordre d’idées très différent, c’est cette question du concile, qui grandit de jour en jour, qui se complique et s’aggrave à mesure qu’on approche de l’époque où doit s’ouvrir à Rome cette grande assemblée représentative de l’église catholique. Deux mois encore nous séparent de ce moment, et déjà les manifestations se succèdent, les incidens se multiplient, l’imprévu se met dans ce drame religieux, dont le prologue commence à devenir retentissant. Tout ce qui arrive depuis quelques jours laisse entrevoir le travail qui s’accomplit au plus profond du catholicisme lui-même. Certes, dans l’état actuel du monde, il était facile de voir que la plus prudente conduite pour les gouvernemens laïques, c’était de s’abstenir. Ils se sont désintéressés. Le ministre des affaires étrangères de France a même motivé par une circulaire diplomatique cette politique d’abstention ; c’était ce qu’il y avait de plus sage, on s’en aperçoit encore mieux aujourd’hui. Les gouvernemens civils auraient été des intrus. Leur présence eût été un embarras de toute manière ; elle eût jusqu’à un certain point faussé toutes les situations ; elle serait devenue un sujet de récrimination pour les absolutistes de l’église, et aurait peut-être fait suspecter les résistances qui pourraient se produire, elle eût introduit la politique dans les affaires de religion. Rien de semblable aujourd’hui. Ce que fera ou ce que ne fera pas le concile reste essentiellement une question d’église. Ce qui se passe dans le monde catholique est d’un ordre tout religieux ; les gouvernemens n’y ont aucune part, et c’est là précisément ce qui en fait la gravité, puisque c’est du sein même du catholicisme que s’élève spontanément une pensée de résistance aux nouveautés sur lesquelles le concile semble devoir être appelé à délibérer. C’est affaire entre fidèles de la même religion et même entre prêtres du même autel. Les absolutistes cléricaux, selon leur habitude, n’ont pas assez de dédain et d’ironie pour ce malheureux catholicisme libéral qui est le commencement de la perdition ; ils l’accablent de toutes les excommunications et le tiennent déjà pour vaincu. A voir comment les choses se dessinent, ils pourraient bien pourtant s’être mépris sur le degré de leur influence, même dans l’église, et avoir trop présumé de la soumission ou de l’indifférence des catholiques. Il ne serait point impossible en un mot que le parti jésuitique, dont la Civilta catlolica est l’organe officiel, et qui domine à Rome, ne rencontrât dans le concile plus de difficultés qu’il ne l’avait supposé d’abord.