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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/89

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Voilà quelque chose d’assez étrange : non qu’il y ait lieu d’être surpris qu’Israël prétende avoir un dieu pour lui tout seul, chacun des peuples qui l’entourent en a un ; mais ce qui est particulier, c’est que la foi en ce dieu spécial soit exclusive de l’idée de s’allier à un royaume voisin. Tel est pourtant le fait constant. Les prophètes du VIIIe siècle partent de la croyance généralement admise autour d’eux que le peuple d’Israël a été choisi parmi tous les autres par ce dieu Jehovah qui l’a fait sortir d’Égypte, où il était en servitude, l’a conduit à travers le désert et lui a donné la terre de Canaan. Depuis lors, il n’a cessé d’agir invisible au milieu de son peuple. Bien qu’il réside au ciel, il a une habitation terrestre, son arche, qui est au temple de Jérusalem, et la grande raison de leur foi dans la résistance invincible du petit peuple juif à toute puissance hostile, c’est que Jehovah, qui l’aime, n’a qu’à souffler sur ses ennemis, quelque nombreux qu’ils soient, pour les anéantir. Comme il est évident qu’au moment voulu il interviendra pour sauver son peuple, il est au moins inutile, sinon sacrilège, de prendre des précautions qu’on dirait inspirées par la défiance.

Nous n’avons point à juger cette politique ni cette foi, nous avons simplement à les constater. C’est avec le même désintéressement et avec quelque patience que nous devons relever les idées que les prophètes du VIIIe siècle se font de ce dieu Jehovah dont nous tâcherons plus loin d’expliquer le nom mystérieux. Par exemple, ils l’appellent aussi El, proprement le Fort, ils lui donnent d’autres fois le nom pluriel d’Elohim, dont le singulier Eloah désigne un objet de crainte, et qui, sans perdre précisément ce sens au pluriel, affecte alors un sens plus abstrait, et répondrait assez bien à notre mot divinité, mais ces deux noms s’appliquent aussi à d’autres dieux. Ce qui appartient plus exclusivement au dieu d’Israël, c’est la qualification de Jehovah Zébaoth ou des armées, c’est-à-dire des astres, considérés comme des armées célestes rangées sous son commandement. Ils lui attribuent avec une insistance marquée la sainteté, ils l’appellent « le saint d’Israël, » et le mot kadôsch, qui leur sert à définir ainsi son essence, exprime la séparation ; de là l’éloignement de tout contact étranger, la pureté et l’élévation suprêmes. La lumière pure, éthérée, st sa manifestation immédiate, le feu du ciel l’instrument de ses décrets terribles ; c’est lui qui a fait le monde et continue de le diriger. Il fait des divers peuples