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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/1036

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de Nos Fils. L’histoire de l’éducation se clôt sur ces deux grands noms, Pestalozzi et Frœbel. Une centaine de pages environ ont épuisé cet immense sujet.

La troisième partie du volume, consacrée soit à l’examen de l’Université actuelle et des différentes écoles spéciales où se forment les jeunes générations, soit au caractère éducatif de la vie publique chez les peuples libres, offre parfois un vif intérêt ; mais on ne voit pas assez nettement le but où tend l’écrivain. Quelques développemens originaux sur notre système présent d’instruction publique nous attachent sans nous éclairer. Les chapitres où l’auteur explique l’heureuse influence des études de droit et de médecine sur le tempérament intellectuel et moral de la jeunesse paraîtront sans doute, malgré de charmans détails, d’une trame trop lâche à plus d’un lecteur. Ici surtout s’accuse le défaut principal du livre, qui est le manque de suite dans les idées. Si M. Michelet, au lieu de suivre les hasards de son inspiration, de ses fantaisies de poète, avait voulu, sur ce beau sujet de l’éducation, nous donner un petit livre plein et nourri, il y était certainement préparé par ses grandes et fortes études. En demeurant dans les voies sévères de l’histoire et de la vie pratique, il n’aurait eu qu’à rassembler et à lier entre eux tant d’observations, tant de développemens, tant de traits lumineux jetés pêle-mêle dans une conception peu ordonnée.

Mais M. Michelet semble avoir définitivement quitté le souci de faire un livre vraiment composé. Trompé par le succès de ses dernières publications, convaincu, et sur ce point seul il n’a pas tort, que ses hautes et généreuses pensées sociales trouvent de l’écho dans tous les cœurs amoureux de justice et de liberté, le célèbre écrivain qui nous a jadis, de sa plume magique, si bien fait comprendre l’histoire héroïque de la vieille Rome et la sombre vie du moyen âge, se contente maintenant de nous donner des fragmens de livres et pour ainsi dire des causeries écrites ; mais les franchises, les redites, les incohérences, les indiscrétions, les hardiesses, les jets humoristiques de la parole ailée, comme on dit, ne conviennent pas toujours au livre. Lorsqu’une enseigne sérieuse s’offre à nos regards et nous avertit que le lieu où nous allons entrer a un caractère de grandeur et de sévérité, nous comptons bien ne rencontrer là de fantaisies d’aucune espèce. On ne folâtre pas dans le sanctuaire, et l’on n’y met pas à côté de la statue de Pallas un groupe sculpté à l’image de la danse lascive. Or c’est précisément ce mélange bizarre de peintures légères et de fresques grandioses qui nous a déconcerté dans le livre de M. Michelet. Lui seul peut-être de tous nos historiens avait un sens du monde moderne assez large, assez libéral, et une plume assez poétique, assez rompue au contact du drame historique, pour jeter sur l’éducation des lueurs profondes ; mais il fallait joindre à l’intelligence de cette parole de Leibniz, « changez