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LA TRAVERSÉE
DU MONT-CENIS
ET
LES NOUVEAUX CHEMINS DE FER

L’Italie est séparée du reste de l’Europe par la chaîne des Alpes, qui décrit un vaste demi-cercle depuis le golfe de Gênes jusque vers Trieste sur la mer Adriatique, et dont le Mont-Blanc, haut de 4,800 mètres, forme en quelque sorte le noyau. Cette barrière naturelle a pendant de longs siècles servi de rempart à la péninsule italienne, et permis à la civilisation de s’y développer en toute sécurité, tandis que les contrées voisines étaient encore plongées dans la barbarie. Pourtant il n’est pas de barrière si formidable que l’homme, attiré par l’inconnu, poussé par le désir d’étendre sa puissance, ne cherche à franchir, pas de montagnes si élevées qu’il ne veuille traverser. Aussi les Romains, une fois leur domination assurée dans toute l’Italie, n’hésitèrent-ils pas à pousser au-delà des limites naturelles de leur premier domaine. Remontant les vallées étroites au fond desquelles grondent les torrens, escaladant les rochers presque à pic, ils se frayèrent un chemin le long des cols de cette chaîne aux sommets neigeux, et passèrent ainsi d’un versant à l’autre. C’est par ces cols, élevés d’environ 2,000 mètres au-dessus du niveau de la mer, qu’ils envahirent les plaines de la Gaule et de la Germanie, c’est par ces mêmes cols que le torrent des barbares se rua sur l’Italie, et que jusqu’à ces derniers temps les armées françaises allèrent y chercher des champs de bataille.