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a été établie sur la route de terre, dont on a distrait un tiers environ de la largeur pour cet objet. Elle en suit le bord extérieur, et est séparée du reste de la route par une barrière de bois destinée à empêcher les voitures ordinaires de s’engager sur la voie, ou les chevaux effrayés de se précipiter dans l’abîme. Sur quelques points, où les lacets de la route sont trop prononcés, la voie ferrée quitte celle-ci et décrit une courbe un peu plus large, dont le rayon descend souvent à 40 mètres. Dans les passages à niveau, le rail médian s’abaisse pour s’engagea-dans une rainure, et permet ainsi aux voitures de traverser sans danger.

La plus sérieuse difficulté qu’on ait rencontrée pour la construction de ce chemin de fer, c’est l’abondance des neiges, qui dans les régions élevées couvrent le sol pendant la moitié de l’année, et souvent à une hauteur de plusieurs mètres. On l’a résolue en établissant dans cette partie de la route, sur une longueur de près de 10 kilomètres, des tunnels artificiels pour protéger la voie. Ils sont formés d’un mur de 1 mètre de haut environ, sur lequel sont fixées des cloisons en planches, surmontées par une toiture de tôle ondulée et ouverte par le milieu pour donner passage à la fumée. Ces tunnels, qui, vus de l’extérieur, sont très pittoresques d’aspect, ont parfaitement résisté jusqu’ici à la pression des neiges; mais dans les parties exposées aux avalanches il a fallu les construire un peu plus solidement. Ce sont alors des galeries en maçonnerie dont le toit suit l’inclinaison naturelle du sol, de façon à ce que les neiges qui viennent du haut de la montagne ne rencontrent pas d’obstacle et puissent passer par-dessus sans les emporter. Sur le surplus du trajet, le chemin est à découvert; les chasse-neige et les cantonniers suffisent généralement à le déblayer. Il peut arriver cependant que sur certains points l’amoncellement soit tel qu’il faille momentanément interrompre le service; on passe alors ces parties en traîneau, et l’on reprend le chemin de fer un peu plus loin. C’est ce qui est arrivé l’hiver dernier pendant une douzaine de jours.

Des interruptions du même genre sont à craindre quand après de violens orages la route est obstruée par les cailloux et les terres amenées de la montagne, ou quand elle est elle-même emportée sur quelques points par les torrens furieux. Dans le premier cas, il suffit ordinairement de quelques heures pour déblayer le terrain; mais dans le second il faut refaire la route et la voie : aussi l’interruption peut-elle durer plusieurs semaines. C’est ce qui s’est présenté en 1868, aux mois d’août et de septembre, et les voyageurs ont dû prendre une autre direction. Il n’y a guère de remède à ce danger, qui menace la route de terre aussi bien que le chemin de fer, puis-