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goût le portait. Il débuta par des mémoires de géométrie, puis il se fit connaître par d’importantes recherches sur la fabrication des aciers. Les résultats en furent consignés dans un livre, l’Art de convertir le fer en acier, et l’art d’adoucir le fer dur, qui eut un immense succès sous la régence, et dont l’intérêt ne s’est guère effacé que dans ces dernières années par suite des progrès tout récens qu’a réalisés l’industrie des aciers; mais Réaumur se fit surtout un nom important par ses études sur les animaux inférieurs. Il observa avec autant de sagacité que de patience les mœurs des mollusques et des insectes, et jeta un grand jour sur les conditions élémentaires de leur vie. Ses recherches sur les insectes sont réunies dans un traité en six gros volumes d’une lecture agréable et facile, et qui est pour les naturalistes une œuvre de premier ordre.

Si le XVIIIe siècle fut pauvre sous le rapport des études anatomiques, il faut reconnaître au contraire que la botanique y brilla d’un vif éclat. Les progrès en furent favorisés par une institution qui, pendant toute la période dont nous nous occupons, fut comme une annexe de l’Académie des Sciences; nous voulons parler du Jardin du roi, devenu plus tard le Muséum d’histoire naturelle. Quand l’académie fut réorganisée en 1699, le premier membre qu’elle élut fut Fagon, médecin de Louis XIV et directeur du Jardin du roi. Fagon, absorbé par la pratique de son art, n’était pas un savant; mais il s’entendait à juger les gens. Il sut attacher à l’établissement qu’il dirigeait nombre d’hommes distingués et l’élever ainsi à un haut degré de prospérité. A la mort de Fagon, Chirac, nommé premier médecin du roi, reçut aussi, comme une dépendance de sa charge, la direction du Jardin du roi. Il voulut y prendre une part active, faire tout par lui-même et s’occuper de tous les détails, au point qu’aucune graine ne pouvait être donnée ou reçue que par ses mains. C’était trop, et, distrait d’ailleurs par d’autres soins, il laissa péricliter l’établissement. Dufay lui succéda en 1732; c’était un physicien de mérite, — dans le sens que le mot physicien a pour nous maintenant. L’électricité lui doit l’hypothèse des deux fluides, et c’est là, pour le dire en passant, un assez mauvais service qu’il rendit à la science. En tout cas, il sut remettre le Jardin du roi sur un bon pied et s’entourer d’un personnel d’élite. Atteint de la petite vérole et se sentant mourir, il pria le roi de lui donner pour successeur le jeune Buffon, qui ne paraissait alors avoir aucun titre à un pareil choix. Fils d’un magistrat fort riche et fort considéré, Buffon, comme Réaumur, étudia d’abord toutes les sciences en amateur; il commença par produire des mémoires de géométrie ; mais en voyageant à travers l’Europe il avait rassemblé quelques notions sur les sciences de la nature, et lorsque l’Académie des Sciences l’appela dans son sein, à l’âge de vingt-sept ans, elle le plaça dans la section