Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait de nouveau, ce soir-là, qu’un jeune ténor venu du Théâtre-Lyrique et qu’on exposait ainsi d’emblée à s’effacer au premier rang, sans doute pour mieux l’habituer à briller ensuite au second. M. Bosquin dit assez bien les parties modérées du rôle; mais sa voix, d’une gracilité pleine de charme et souvent pathétique dans les deux romances, ne suffit plus dès que la situation s’élève et tourne au tragique. La belle scène où Fernand brise son épée et la jette aux pieds du roi perd avec lui tout son effet. En résumé, ces débuts-là ne comportaient point tant de mise en scène, et M. Bosquin aurait eu tout avantage à se montrer dès l’abord plus discrètement sous les auspices du vice-roi de la Muette ou du prince Léopold de la Juive. Cette reprise de la Favorite ne profitera, je le crains, guère plus à l’Opéra qu’à Donizetti. La musique italienne vit surtout par l’exécution, et tout cela manque de relief. Qui le croirait? ce qui dans cette affaire a le moins vieilli, c’est le poème. Pour une fois que le musicien rencontrait sous sa main une vraie pièce, c’est grand’pitié qu’il l’ait ainsi traitée en libretto. Il semble que ce Donizetti n’en pût démordre. La musique reste italienne et se contente de festonner la situation sans aller, si ce n’est très rarement, au cœur même du drame, qui marche d’un pas ferme, et n’ayant d’ailleurs nul besoin de personne pour se soutenir. L’intérêt y naît de la passion, non du décor; le sujet est d’invention originale, chose peu fréquente de nos jours, et d’autant plus méritoire qu’il n’eût tenu qu’à M. Alphonse Royer de puiser dans le fonds si riche des auteurs qu’il a traduits et dont maintenant il écrit l’histoire.


F. DE LAGENEVAIS.