Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA
PRUSSE ET L’ALLEMAGNE

I.

LA PAIX DE PRAGUE ET SES CONSÉQUENCES.



I.

On assure qu’il n’y a plus de Pyrénées ; mais on n’a pas supprimé le Rhin. Cette frontière subsistera longtemps encore : non que la France et l’Allemagne se fassent un point d’honneur de demeurer absolument étrangères l’une à l’autre ; une telle prétention, toujours vaine, toujours déplacée, serait plus vaine encore et plus déplacée dans le siècle de la vapeur et de l’électricité. Une femme d’esprit disait : « Au XIXe siècle, la patrie est un wagon de chemin de fer. » Dieu soit loué, il n’en est pas ainsi, on n’a point aboli la patrie. Nous avons tous la nôtre, grande ou petite, et ce ne sont pas les petites qu’on aime le moins ; mais nous avons tous aussi une patrie commune, qui est la civilisation. Français ou Belge, Hollandais, Allemand ou Suisse, quiconque ne se sent pas Européen n’est pas de son siècle. Il semble qu’à cet égard l’Allemagne ait rétrogradé, qu’elle soit inférieure à son passé. Ses grands penseurs d’autrefois étaient les esprits les plus ouverts, les plus magnifiquement hospitaliers, les plus cosmopolites qui furent jamais. Peu leur importait d’où leur venait la vérité ; ils l’aspiraient dans tous les vents. Ils avaient découvert un moyen bien simple de sauver leur dignité : ils donnaient plus encore qu’ils ne recevaient. Les temps ont changé.