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Le coton indien, cueilli aujourd’hui avec soin, séparé de la graine au moyen de machines perfectionnées, pressé ensuite dans des établissemens organisés d’une façon vraiment admirable, avait même pris dès les derniers temps de la guerre de sécession une netteté, une blancheur, une beauté d’aspect, qui prouvent, en ce qui le concerne, que les problèmes mécaniques ont été abordés avec plus de bonheur que les problèmes agricoles.

Tel était l’état des choses en 1865. Il n’était pas désespérant, il permettait de considérer l’avenir avec calme. Si l’on ne pouvait se passer des États-Unis, on avait dd quoi attendre sans de trop vives souffrances qu’ils eussent repris leur rôle naturel de pourvoyeurs des filatures d’Angleterre. C’est ainsi que tout le monde sembla envisager alors les perspectives nouvelles qui s’ouvraient devant l’industrie. Les cours, dépréciés violemment à la suite des manœuvres d’agiotage dont nous avons parlé, reprirent une marche ascendante. Les fabricans, qui n’entendaient pas laisser leurs usines inactives et voulaient au moins rattraper leurs frais généraux, recommencèrent d’acheter la matière première, avec prudence sans doute, mais en même temps avec assez d’ensemble pour donner au marché quelque animation et aux prix une certaine fermeté. On se persuadait que les beaux jours allaient renaître ; les périls les plus graves étaient maintenant surmontés. Une seule éventualité, assurait-on, pouvait prolonger le malaise qui planait sur l’industrie, l’espèce de convalescence languissante où elle se traînait encore : c’était que les États-Unis, après la suppression de l’esclavage, ne pussent produire qu’une quantité insignifiante de coton. Cette éventualité du reste, nous la déclarions ici même à cette époque parfaitement invraisemblable, et tous les hommes compétens s’accordaient à la considérer comme telle. Comment se fait-il qu’après quatre années écoulées l’industrie anglaise n’en ait pas encore fini avec cette maladie qui était alors, au dire de ses médecins ordinaires, en si bonne voie de guérison ? Comment se fait-il que son état n’ait fait qu’empirer, et qu’elle se débatte à l’heure qu’il est contre une crise qui fait craindre aux plus optimistes qu’une lésion profonde n’ait atteint quelque organe essentiel ? Est-ce que les États-Unis n’auraient pas tenu ce que l’on attendait d’eux ? Bien au contraire, ce vigoureux pays a réalisé tous les présages que son énergie, depuis longtemps connue, inspirait à cette époque, quoique la culture du coton y ait repris sa vitalité par des moyens un peu différens de ceux qu’on avait cru pouvoir indiquer.

On comptait beaucoup en 1865 sur le concours des nègres rendus libres et élevés à la dignité de citoyens pour rétablir la prospérité agricole des états du sud. Les documens émanés du gouvernement