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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/36

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Les Californiens, habitués depuis la découverte de l’or à compter par millions et naturellement les plus intéressés dans la question, ne désespérèrent pas de pouvoir recueillir cette somme : ce furent eux qui les premiers tentèrent l’exécution pratique de la grande entreprise.

Un ingénieur civil, Thomas Judah, homme habile et d’un ferme courage, convaincu surtout et persévérant, eut l’adresse d’amener à ses vues quelques capitalistes de Sacramento, les Huntington, Crocker et autres; il leur persuada de lui procurer les fonds nécessaires pour étudier sur les lieux mêmes le passage des sierras. Il partit dans l’été de 1860, et, après avoir affronté des fatigues sans nombre, il revint quelques mois plus tard, plus ardent que jamais et insistant de nouveau auprès de ses amis sur la nécessité de consacrer une seconde campagne à l’exploration commencée par lui. Son enthousiasme fut contagieux, et au printemps de 1861 se formait à Sacramento, d’après les conseils de Judah, la compagnie du chemin de fer Central du Pacifique ; puis Judah se mit de nouveau en route pour les montagnes. Le rapport publié par lui à son retour fut concluant sur la question qui paraissait la plus insoluble : il prouva qu’il était possible de traverser la Sierra-Nevada à une hauteur de 7,000 pieds et avec une base de 70 milles au moyen de rampes dont les plus fortes ne dépasseraient pas 105 pieds par mille.

Les explorations de Judah ne s’étaient étendues que jusqu’à 125 milles de Sacramento. Pour ce qui concernait la route depuis le versant opposé de la montagne jusqu’au Lac-Salé, on s’en rapportait aux plans du lieutenant Beckwith, l’un des chefs d’expédition en 1854. L’objet principal néanmoins avait été pleinement atteint: il était démontré, à l’entière satisfaction de ceux qui y prenaient un intérêt actif, qu’on pouvait franchir la sierra en chemin de fer et établir ainsi des communications faciles entre la Californie et le Nevada. Il n’est pas inutile de faire observer à ce sujet que les mines d’argent de ce dernier état avaient pris une grande extension, et que d’autres veines, également abondantes, venaient d’être découvertes sur le versant oriental des sierras. On estimait que, dès l’ouverture du service, le chemin de fer Central serait chargé du transport des métaux précieux, acquittant à eux seuls un droit annuel d’environ 25 millions de francs. Quant aux frais de construction de la ligne, Judah les évaluait à 63 millions de francs pour l’ensemble des travaux ordinaires (140 milles), et à 750,000 francs par mille pour les endroits les plus difficiles du tracé. Les directeurs se déclarèrent satisfaits et du rapport et de ces conclusions. Ils ne mirent aucunement en doute l’exactitude des données pratiques fournies par l’in-