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Cubains est instinctive, comme l’hostilité contre leurs anciens maîtres. Le Mexique les a reconnus en qualité de belligérans, et leur a envoyé de l’argent et des armes. Le Pérou, qui est encore en guerre avec l’Espagne, quoique les hostilités ne soient pas flagrantes, a fait plus : il a reconnu l’existence de la république cubaine. L’excitation a été des plus vives au Chili. On y avait appris que Manuel Cespedès venait d’adresser au gouvernement de Santiago une lettre où il invoquait éloquemment la communauté d’origine et d’intérêts. Une interpellation à ce sujet fut faite à la chambre des députés par M. Antonio Matta, orateur très ardent. Il était facile de voir que la reconnaissance de l’autonomie cubaine par le Chili était dans les vœux de l’assemblée. Le ministre des affaires étrangères, M. Ammunategui, donna lecture de la lettre de Cespedès et de la réponse qui avait été faite officiellement. Il rappela que l’état actuel des choses entre l’Espagne et le Chili n’est ni la paix ni la guerre, que c’est une sorte de suspension d’armes, et qu’en proclamant l’indépendance des Cubains on se donnerait le tort de la reprise des hostilités. Le ministre déclara d’ailleurs que les sympathies du gouvernement, comme celles du pays tout entier, sont pour la cause cubaine; si une souscription publique était ouverte pour procurer des secours aux frères insurgés, le pouvoir n’y mettrait aucun obstacle, et les ministres eux-mêmes, agissant comme simples citoyens d’un pays libre, se feraient un devoir et un honneur de s’y associer. — Là-dessus, grand enthousiasme dans l’assemblée. Des listes de souscription ouvertes séance tenante réunissent de nombreuses signatures; l’élan est donné au pays, et des sommes importantes sont bientôt recueillies.

Ces dons irréguliers, si abondans qu’ils paraissent, ne peuvent être qu’un subside insuffisant. Toute révolution, en raison de ses besoins dévorans, soulève des incidens financiers; ce ne sont pas les moins curieux. Au peuple qui venait de surgir, il fallait un instrument d’échange. Le gouvernement insurrectionnel a créé un papier-monnaie que les habitans, à ce qu’on assure, reçoivent en échange des provisions qu’ils livrent. C’est une espèce d’emprunt forcé auquel ils se soumettent bénévolement. Pour les achats à l’étranger, autre expédient. Les biens des rebelles et des suspects, avons-nous dit, sont sous le coup de la confiscation. Les suspects sont ceux qui ont cherché un refuge à l’étranger, ceux qui ne répondent pas aux appels des volontaires espagnols et ne donnent pas des gages suffisans au régime encore debout. Cette catégorie étant fort nombreuse, la masse des biens séquestrés comporte une valeur incalculable. Les républicains de Guaimaro ont imaginé de contracter des emprunts aux États-Unis, à gros intérêts sans doute, en don-