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EXPLORATION
DU MÉKONG

IV.
LE ROYAUME DE LUANG-PRABAN.

Lorsque j’entrepris, vers le milieu de l’année 1866, le long voyage qui devait me conduire des limites actuelles du royaume de Cambodge, sur le Mékong, au port chinois de Shangaï, non loin des embouchures du Fleuve-Bleu, un concert de prophéties sinistres dominait le bruit des adieux. Elles me laissèrent tout mon sang-froid, bien qu’elles rendissent plus manifestes qu’ils ne l’étaient déjà pour moi les périls qu’un climat réputé mortel ferait courir aux membres de l’expédition. Au Laos, toutes les maladies, même les plus funestes, m’auraient trouvé préparé et comme résigné d’avance ; mais, une fois de retour en France, je croyais pouvoir en pleine sécurité défier la fortune en recherchant les jouissances de la vie civilisée avec l’ardeur d’un affamé qui se verrait, par un coup de baguette, transporté d’un îlot stérile de l’océan dans la salle d’un banquet. Mes prévisions ont deux fois été trompées. Si pendant la durée du voyage j’ai souffert comme tous mes compagnons, la fièvre ne m’a jamais affaibli au point de m’empêcher de les suivre. A peine avais-je au contraire touché les rivages de la patrie que plusieurs avertissemens successifs vinrent m’apprendre que ma santé était profondément atteinte. J’avais conservé pendant deux années assez