Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/605

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à travers le voile d’une tache. Quelquefois l’éclat solaire s’en trouve tellement diminué que la chromosphère devient visible, et qu’on voit apparaître une de ses raies brillantes. Tout se passe comme si la lumière solaire traversait une couche absorbante beaucoup plus épaisse, et comme si cette couche avait à peu près les mêmes propriétés que celle où d’ordinaire la lumière blanche se dépouille des rayons dont l’absence se trahit dans les raies de Fraunhofer. La production d’une tache solaire n’est point un phénomène simple ; des courans ascendans se condensent en nuages solaires ou facules d’un éclat extraordinaire. Ces nuages sont formés sans doute, comme ceux de l’atmosphère terrestre, d’un mélange de gaz et de vapeurs ; les gaz se dépouillent peu à peu de leurs vapeurs, ils retombent et deviennent plus obscurs. Çà et là quelques remous ascendans sont la cause des points brillans qu’on observe dans les taches. Pour se figurer grossièrement le phénomène, qu’on imagine un entonnoir, un liquide remontant sans cesse les parois extérieures de l’entonnoir, dépassant le bord et retombant à l’intérieur en nappe circulaire ; mais quelle comparaison, quel phénomène terrestre peut donner une idée, même approximative, de ces prodigieuses ruptures d’équilibre dans les masses solaires, où les métaux sont à l’état de vapeur, où tous les corps simples remuent en liberté, où la gravité exerce son action avec une énergie qui nous est inconnue ! Ce cercle de feu si net, qui semble dessiné par un géomètre et qui se promène avec tant de calme dans le ciel, est une mer de flamme sans cesse agitée ; avec un fort grossissement, on voit que la surface lumineuse est loin d’être homogène : elle est couverte de granulations, d’inégalités ; elle semble avoir une sorte de vie. On a donné le nom de grains de riz, de feuilles de saule, aux divisions que Herschell appelait les corrugations, sortes de compartimens oblongs, de formes irrégulières et changeantes, séparés par des rangées de points moins brillans ou pores. Tout autour des taches, les facules, qui sont les parties les plus brillantes du soleil, lancent leurs langues pointues vers le noyau. Si la cause de cette structure étrange est encore inconnue, on a pu du moins noter exactement l’apparition des taches et leurs mouvemens. M. Schwabe, de Dessau, en a tenu registre depuis environ quarante ans. Voici le résumé de ses patientes observations : en 1828, il aperçut 225 groupes de taches, en 1827 161 seulement, en 1829 199 ; l’année 1828 fut donc l’année où les taches se montrèrent en plus grand nombre. Le chiffre s’abaisse graduellement jusqu’en 1833, où il n’y en a plus que 33. A partir de ce moment, il se relève, et en 1837 il atteint un nouveau maximum ; les mêmes phénomènes se renouvelèrent de 1837 à 1848, de 1848 à 1859. En ce moment, on touche à un maximum. Il y aurait ainsi une période