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émaux cloisonnés ouvraient la marche. La pseudo-céramique suivait. Elle serait, à s’y méprendre en certains cas, à la hauteur de son modèle, s’il ne s’agissait que de l’apparence ; mais quelle en sera la durée. Elle coûte moins cher et sera demandée quelquefois pour suppléer son heureuse rivale. Des faïences d’appartement, exécutées non plus à la main, mais à l’aide de transports de couleurs qui épargnent une partie du salaire, peuvent fournir de remarquables décorations intérieures pour les maisons particulières et pour les édifices. Des carrelages en mosaïque de teintes diverses peu éclatantes, mais d’un bon aspect, sont composés de pièces assez dures pour faire feu sous l’acier et rayer le verre. Ils ont évidemment une durée presque illimitée. Dans toutes les constructions où l’on a moins en vue le luxe que la salubrité, dans les hôpitaux notamment, où un lavage fréquent devient souvent nécessaire, ils trouveraient un utile emploi. Ils ont été d’abord mis en usage pour orner de colorations variées l’extérieur des habitations, et à l’intérieur pour des églises, des salles de réunion, pour le palais même des Tuileries. Il serait à désirer que de tels produits, qui ne rappellent en rien le faste et l’envie de briller, qui offrent d’ailleurs aux yeux un certain agrément, descendissent de ces hauteurs pour devenir populaires.

Les faïences envahissent si bien l’industrie d’art que nous leur donnons ici une place peu en rapport avec celle qu’elles occupent dans la grande nef du palais. Les uns fabriquent des services de tout style, égyptien, arabe, persan, français, composite, avec de charmantes improvisations à l’encre rehaussée d’un semblant d’aquarelle, et qui nous montrent des enfans ou des hommes jouant avec des papillons. D’autres s’attachent à des effets plus sévères ; quelques-uns, comme MM. Collinot et Adalbert de Beaumont, embrassent à peu près tous les motifs qui peuvent appartenir à leur art : pots et aiguières, vasques et culs-de-lampe, panneaux et lambris pour salles de bain, palais ou monumens, figures en haut et en bas-relief, pièces montées sur bois noir en imitation du bois de fer, unies ou craquelées, à fond jaune, bleu, vert, turquoise, rouge, gris, chamois, tons magnifiques qui ne le cèdent en rien aux richesses du métal et des émaux. La faïence détrône décidément la porcelaine, préférée d’abord pour sa matière semi-transparente, plus légère et plus fine. Il faut du savoir pour traiter la faïence ; la couleur n’y est pas tout. Le dessin, la facture plus ou moins habile, y jouent un rôle important. Les morceaux largement exécutés gagnent une grande valeur commerciale. On s’en aperçoit bien à cette exposition, où se trouve si vaillamment, on pourrait dire si glorieusement représentée une industrie qui n’est pas nouvelle chez nous sans doute,