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plus longtemps, en vue de l’intérêt qui s’attache à la monnaie internationale, à maintenir un état de choses ainsi condamné.

Pour juger de l’importance de la déclaration de M. Lowe et de l’effet qu’elle dut produire, il faut savoir que c’est en Angleterre surtout que la question de la monnaie internationale, depuis qu’elle est posée, a rencontré le plus de résistance. L’année dernière encore, une commission spéciale composée des hommes les plus éminens, tout en signalant les bienfaits de l’unité monétaire, proclamait qu’il était impossible de l’accomplir sans apporter un trouble considérable dans les affaires, et qu’on avait lieu de se demander si les avantages balanceraient les inconvéniens ; dans tous les cas, elle n’était pas d’avis d’adopter une combinaison qui aurait pour effet d’altérer la valeur de la livre sterling, disant que c’était la monnaie la plus répandue dans le monde, celle qui réglait le plus de transactions, et qu’en y touchant on porterait une atteinte sérieuse à tous les contrats. Elle combattait notamment le système déjà connu d’une réduction de 2 pence dans la livre sterling pour l’assimiler à la pièce de 25 francs. Or voilà que tout d’un coup le chancelier de l’échiquier, reprenant ce système pour son compte, se déclare tout prêt à l’exécuter, ajoutant que l’œuvre sera très facile, qu’il n’en coûtera rien à personne, que la livre sterling réduite de 2 pence aura toujours la même valeur, et que le moyen consiste tout simplement à imposer, lors de la fabrication, un droit équivalent. Moyennant ce droit, le gouvernement pourrait se charger en outre d’entretenir la monnaie en bon état, de retirer de la circulation les pièces trop usées et de les remplacer par des neuves, ce qui aurait pour conséquence de ne pas laisser peser sur les plus malheureux, comme cela arrive aujourd’hui, le poids de ce retrait et la perte qui en résulte.

Cette question du retrait des pièces trop usées est en effet très délicate ; elle n’est pas résolue de la même manière dans tous les pays. En Allemagne, en Hollande, lorsque la pièce est tombée par l’usure au-dessous du poids de tolérance, c’est l’état qui la retire à ses frais. En France et en Angleterre, le retrait est opéré à la charge, du porteur ; tant pis pour celui qui l’a reçue, il devait y faire attention, l’état ne lui doit rien pour son imprévoyance. Nous aimons mieux la pratique opposée. En définitive, c’est l’état qui émet la monnaie ; elle circule sur la foi qu’il inspire, sur la garantie qu’il a donnée de l’exactitude du titre et du poids ; c’est donc lui qui doit être responsable des altérations qu’elle peut subir, et notamment de l’usure. L’honneur et la loyauté du gouvernement le veulent ainsi. On ne peut pas admettre que quelqu’un puisse, par surprise, être victime de la confiance qu’il a eue dans l’empreinte de l’état gravée sur la monnaie et indiquant sa valeur, et il s’agit là d’un préjudice