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était encore permis de convoquer l’assemblée générale des sociétés d’assurance maritime. Tel était l’échafaudage de pouvoirs exorbitans que les hommes d’état italiens avaient confié à l’administration du sindacato.

On voit combien cette ingérence gouvernementale était excessive. Les sociétés anonymes se trouvaient soumises à une tutelle perpétuelle, qui avait le double défaut d’être impuissante et d’être ombrageuse. Qu’une pareille organisation pût jamais prévenir les désordres et les fraudes, on a peine à concevoir que des hommes d’état expérimentés se le soient imaginé. Il y avait une disproportion évidente entre les moyens et le but. On avait inventé un mécanisme réduit et d’un fonctionnement difficile pour l’accomplissement d’une tâche gigantesque. L’organisation nouvelle se montra bientôt aussi défectueuse en pratique qu’elle était illégitime en droit. L’intervention gouvernementale presque quotidienne, que l’on avait voulu instituer, ne se manifestait que par des vexations mesquines et ne produisait aucun des bons effets qu’on avait eu le tort d’en attendre. Elle était au contraire féconde en mauvais résultats. Les ruines et les banqueroutes n’ont pas été épargnées à l’Italie pendant la période où fonctionnait le sindacato ; quelques-unes ont eu pour cause une gestion imprudente, d’autres une gestion déloyale, sans que les délégués du gouvernement aient pu s’opposer à cette déloyauté et à cette imprudence. Plusieurs de ces sinistres ont même été aggravés par l’organisation administrative que nous venons de décrire ; il nous suffira de citer, comme exemple, deux désastres qui ont eu en Europe un grand retentissement. La compagnie du chemin de fer de Savone, approuvée par le décret royal du 23 mars 1862, avait, d’après l’article 4 de l’acte de concession, la faculté d’émettre des obligations jusqu’à concurrence de 19 millions de francs ; conformément aux règlemens en vigueur, une grande partie de ces obligations, émises au mois de mars 1865, furent contresignées par le commissaire du gouvernement. Dans la suite, par des conventions passées avec le ministère et approuvées par la loi du 14 mai 1865, le gouvernement italien promit à la compagnie une garantie conditionnelle d’intérêt à 6 pour 100 sur le capital de 54 millions, mais cette garantie n’était stipulée qu’à partir du jour où seraient ouverts et exploités la ligne de Carmagnola à Savone et l’embranchement de Cairo à Acqui. Afin de vendre plus facilement ses titres à l’étranger, la compagnie jugea utile d’inscrire sur les obligations qui portaient déjà la signature du commissaire royal et au-dessus même de cette signature la mention suivante : garantie de l’état italien, loi du 14 mai 1865. Un an après, au mois de juin 1866, la Société des dépôts et comptes courans de Paris, qui s’était chargée de l’émission