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indiquons, s’étant accomplie par voie de décret et non par une loi, est nécessairement incomplète ; mais dans sa partie essentielle elle offre les traits les plus heureux. Il ne pouvait appartenir qu’au parlement de supprimer la nécessité de l’autorisation gouvernementale pour la constitution des sociétés anonymes : aussi M. Minghetti n’a-t-il pas touché à ce point, quoique dans son rapport au roi il indique son opinion de la manière la plus nette et exprime l’espoir de voir bientôt l’esprit d’association affranchi de cette servitude écrasante. C’est sur l’organisation administrative destinée à contrôler les opérations des sociétés anonymes que l’éminent ministre italien a porté ses coups. Il a d’abord détruit de fond en comble le sindacato, mettant en disponibilité les nombreux fonctionnaires qui le composaient : censeur central, inspecteurs-généraux, inspecteurs de districts. Désormais les compagnies sont rendues à elles-mêmes et redeviennent entièrement maîtresses de leurs actes. Si importante que soit la destruction d’une organisation caduque, qui nuisait au développement des sociétés, c’est par d’autres côtés que la récente réforme italienne mérite notre attention.

Le gouvernement impose désormais aux compagnies anonymes l’obligation de comptes-rendus périodiques ; c’est là une excellente mesure, mais qui n’a rien de bien original : voici où l’invention commence. De même que le législateur anglais, le ministre italien s’est préoccupé de venir au secours des intéressés dans certains cas où leurs moyens de contrôle particulier seraient insuffisans ; mais il a perfectionné et développé le mécanisme imaginé par le parlement de Londres. Nous avons vu que les lois permettaient en Angleterre, au ministère du commerce (board of trade), de nommer des inspecteurs pour faire un rapport sur la gestion d’une compagnie anonyme toutes les fois que cette enquête serait demandée par le tiers ou le cinquième des actionnaires, selon les cas. La récente réforme italienne s’est inspirée du même principe, mais en le modifiant d’une manière heureuse. Obéissant au vœu public, M. Minghetti a dessaisi le gouvernement de tout pouvoir de tutelle sur les sociétés anonymes, et il a remis aux chambres de commerce le soin de surveiller ou plutôt de contrôler ces associations. Les chambres de commerce, en Italie, sont des institutions vivaces, pleines de sève et d’initiative ; elles ont leurs racines dans un suffrage large, où tous les commerçans, petits et grands, notables ou non, sont représentés ; elles sont divisées en sections dont chacune a un domaine spécial à exploiter. Bien loin que le gouvernement les voie avec jalousie se mettre en relations les unes avec les autres, il est le premier à les convoquer à un congrès tout spécial, qui se tient tous les deux ans sous la présidence du ministre du