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l’empire que de cette participation effective du pays, qui n’est pas, si l’on veut, l’abrogation absolue du régime de 1852, mais qui en est au moins la métamorphose complète, qui en un mot fait un autre empire avec le même empereur. Tout le reste ne peut donner qu’une force factice et éphémère un instant entretenue par la folie des uns ou par l’ineptie des autres, par les déchaînemens de ceux qui prétendent faire violence au pays ou par l’insuffisance de ceux qui ne sauraient ni le représenter ni le gouverner selon ses vœux.

Quelle est, dans ces conditions et dans cette marche des choses où le discours impérial vient marquer une étape nouvelle, quelle est la valeur réelle des dernières élections de Paris ? Elles ne sont plus qu’un incident curieux, bizarre, fantasque, qui ne peut avoir une influence sérieuse. Il n’est point douteux, après tout ce qu’on a vu et entendu, que rien n’aurait pu mieux servir le gouvernement personnel, si le gouvernement personnel avait encore la fantaisie de se maintenir. Le radicalisme révolutionnaire a donné une représentation complète ; il a déployé pendant quelques jours tout ce qu’il avait de mieux, les plus belles imaginations et les plus fécondes ressources ; il a trouvé le moyen de créer une agitation autour du scrutin et de laisser des souvenirs de son passage. A quoi cependant a-t-il réussi ? En définitive, ces élections mêmes, si turbulentes qu’elles aient été, ne sont point aussi mauvaises qu’on aurait pu le croire. Que M. Crémieux, l’heureux vainqueur de la troisième circonscription, ait fini par persuader à ses électeurs qu’ils ressuscitaient en lui le gouvernement provisoire de 1848, que M. Emmanuel Arago ait triomphé par son nom, que M. Glais-Bizoin soit désormais certain d’être élu à un second tour de scrutin dans la quatrième circonscription, qu’y a-t-il là de bien grave ? M. Crémieux et M. Emmanuel Arago seront des députés de la gauche comme d’autres, qui ne feront pas plus que d’autres, qui feront peut-être moins, et M. Glais-Bizoin redeviendra l’infatigable interrupteur qu’il a été toujours, brave homme qui ne se donne pas d’ailleurs pour un pur du radicalisme. Au fond, il y a dans les élections parisiennes des symptômes bien autrement significatifs.

La vérité est qu’à travers toute cette confusion le radicalisme purement révolutionnaire n’a pas eu de grandes victoires, qu’en définitive il n’a pas fait des progrès bien caractéristiques depuis les élections du mois de mai. Qu’est devenue la campagne des insermentés ? Ils étaient trois, M. Ledru-Rollin en tête ; ils ont réuni quelques milliers de voix. Dans la mêlée des candidatures assermentées, ceux qui représentaient le radicalisme le plus avancé et qui faisaient profession de mettre la république au-dessus du suffrage universel, c’est-à-dire au-dessus de la souveraineté nationale elle-même, Ceux-là ont été distancés de toutes parts ; ils ont eu moins de voix que de simples libéraux comme M. Allou, et il y a