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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/769

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son œuvre facile. Cette question de forme une fois vidée, que l’enquête soit administrative, ou parlementaire, ou comme nous l’indiquons, — la liberté commerciale, nous n’en doutons pas, sortira victorieuse de l’épreuve à laquelle elle est soumise, tout aussi bien que des discussions décisives qui s’engageront.

Assurément il y a aujourd’hui une crise douloureuse dans certaines industries du nord et de l’ouest, et ceux qui souffrent se plaignent ; ils se plaignent même vivement, ils parlent par la « bouche de leurs blessures, » selon le mot espagnol. Rien de plus simple et de plus légitime. Leur tort est d’attribuer au traité de commerce des souffrances qui ont un caractère très complexe, qui sont le résultat d’une multitude de causes réunies, si bien que l’abrogation brusque des conditions actuelles ne ferait probablement que déplacer le mal. Il ne s’agit plus de récriminer, de revenir sur l’origine dictatoriale du traité avec l’Angleterre, de démontrer que la réforme économique aurait dû être mieux ménagée. qu’elle aurait pu être accomplie d’une autre façon, par un acte législatif spontané, au lieu d’être l’objet de conventions internationales. Cette réforme, elle existe, elle a maintenant dix ans de date. De plus elle n’est pas le libre-échange absolu, comme on le laisse croire quelquefois par une habile confusion ; elle n’est qu’une application modérée des principes de la liberté commerciale, avec abrogation définitive de prohibitions surannées et maintien de droits protecteurs qui ne sont pas sans importance. L’unique question est de savoir quels résultats a produits cette liberté modérée qu’on cherche à dépopulariser-en la représentant comme une concession à l’Angleterre. Or il est bien certain que dans ces dix dernières années l’activité commerciale s’est considérablement accrue en France. La production s’est multipliée, l’outillage industriel s’est perfectionné. A part des désastres partiels qu’on ne peut contester et qui étaient à peu près inévitables, le mouvement est immense ; il est attesté par toutes les statistiques commerciales, et il ne s’est point interrompu en 1869, puisque, d’après les plus récens documens, les exportations de l’année actuelle dépassent déjà de près de 250 millions celles de 1868. Même dans les industries qui sont plus particulièrement atteintes, qui se plaignent avec le plus de vivacité, est-ce que la décadence est sensible ? Est-ce que l’invasion étrangère menace de tout submerger ? Nullement ; Je progrès des importations de tissus étrangers est presque insignifiant dans l’ensemble du mouvement commercial, et les exportations françaises au contraire ont grandi dans une bien autre proportion.

La liberté n’a donc point paralysé l’activité intérieure et gêné l’expansion commerciale de la France. Ce qu’on dit aujourd’hui pour certaines industries, on le disait autrefois pour l’agriculture, qui devait infailliblement trouver la ruine dans la suppression de l’échelle mobile. L’échelle mobile a été supprimée, et la question est désormais jugée : les