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dans leur camp, tandis que nos soldats se sont misérablement installés en tenant le fusil d’une main et la pioche de l’autre.

« Le service hospitalier des Anglais profita de l’influence favorable d’une direction absolue par le corps médical, qui a le droit d’exprimer les besoins éprouvés en même temps que celui d’y satisfaire largement, sous sa responsabilité. Aussi devons-nous convenir que, réduits au strict nécessaire, nous sommes bien pauvres dans notre hospitalisation devant le luxe et le comfort des établissemens de nos voisins et alliés[1].

« Dans les camps anglais, l’alimentation, dont nous avons pu juger, ne laisse rien à désirer aux points de vue de la qualité, de la variété et de la quantité… Était-il possible de faire jouir l’armée française de si magnifiques avantages ? Je réponds négativement, parce que les règles fondamentales du système que la France a adopté s’y opposent formellement ; mais l’expérience qui est acquise par ces cruelles épreuves ne peut être perdue, j’en suis certain… Ne pas profiler de ces enseignemens serait un crime de lèse-humanité.

«… Avec de pareilles conditions qui sont faites pour favoriser la contagion, est-il possible, même avec les soins les plus éclairés, les mieux entendus et les plus dévoués, est-il possible, dis-je, d’obtenir des résultats comparables à ceux de nos voisins, où tout vient en aide au médecin ?

« En quatre mois, 47,000 hommes d’une armée de 145,000 sont entrés dans nos ambulances pour maladies ; 9,000 sont morts ; un nombre égal parmi les malades qui ont été évacués a peut-être succombé dans les hôpitaux de Constantinople et de France.

« En présence de ces faits, on éprouve une impression pénible, et l’on est en droit de s’étonner qu’au XIXe siècle on n’emploie pas les moyens certains de prévenir l’exagération de semblables pertes dans l’armée, ou au moins de les réduire à des proportions normales.

« Le climat de Crimée est salubre, et aucune influence spéciale des divers points du territoire occupé par nos troupes n’a produit de maladie sérieuse. Il n’y a pas d’officiers malades, et s’ils ne sont pas atteints des maladies des soldats, c’est qu’ils sont convenablement abrités et bien nourris. Actuellement nous sommes encore une fois et plus fortement éprouvés que par le passé, parce que l’hiver a été rigoureux, parce que l’état de guerre ne comporte pas de protection complètement efficace à l’égard de nos soldats contre le froid, parce que le séjour prolongé dans des abris insalubres et une alimentation non variée, grossière et de médiocre qualité, ont fortement ébranlé ou compromis la constitution du plus grand nombre.

« A l’égard du traitement général du typhus, qu’on soit bien persuadé que ce n’est pas de la médecine qu’il y a seulement à faire, mais de

  1. Statistique de la guerre d’Italie, t. Ier, p. XCII.