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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/879

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en boissons, en alimens, qui, par le hasard de la guerre, faisaient défaut à l’armée, et fut la providence des chirurgiens non moins que des soldats.

D’admirables inventions de la commission facilitèrent singulièrement le transport des blessés. L’hospital-steamer, hôpital flottant imaginé, dit-on, par le chirurgien Hoff, fut organisé au mois de février 1862, et plus tard adopté par le gouvernement ; il permit de suivre les armées en campagne et de mettre à leur disposition le moyen d’évacuation le plus doux et le plus facile. Il ne faut pas oublier que l’Amérique est le pays le mieux arrosé du monde, et qu’avec des bateaux à vapeur on va partout. L’aménagement de ces magnifiques vaisseaux ne laissait rien à désirer, et il y régnait un ordre admirable. Tout avait été réglé par M. Frederick Law Olmsted. Chaque bateau était divisé en un certain nombre de quartiers (wards) pouvant contenir chacun de 50 à 150 malades couchés commodément. Un chirurgien commandait le service médical, des aides-chirurgiens (ward masters) dirigeaient chaque quartier ; ils étaient assistés d’un nombre suffisant d’infirmiers ou garde-malades. A l’arrivée de chaque patient, on lui donnait un numéro, on inscrivait son nom, sa compagnie, son régiment, son domicile ; puis on lavait le malade, on lui donnait du linge propre et on le couchait dans un bon lit bassiné. Là on lui apportait une boisson stimulante, des alimens, des viandes[1]. Ces soins-là donnés à un blessé, à un fiévreux, à un homme pris par le froid et l’humidité, ce n’est pas seulement un soulagement temporaire, un bien-être passager, c’est le salut, c’est la vie.

Il semble si naturel de secourir un soldat blessé, un serviteur de la patrie, qu’à première vue on se demandera ce qu’il y avait de si admirable et de si nouveau dans l’organisation de ces hôpitaux flottans. Ouvrons le Rapport du docteur Chenu sur la campagne de Crimée, et voyons comment on transportait nos malades. Voici une lettre du docteur Marroin, médecin en chef de l’escadre, qui dira la vérité dans toute sa laideur.


« Les médecins qui ont été affectés à ces transports se souviennent des tableaux émouvans qui s’offraient à leurs yeux. La guerre apparaissait dans toute son horreur. Des hommes épuisés par la maladie, à peine protégés par quelques lambeaux de couverture, arrivaient à la plage pour être embarqués sur des navires de commerce frétés à cet effet, car la marine impériale était débordée par les nécessités du service.

« Vers les derniers jours du mois de mai (1855), le vaisseau le

  1. Hospital transports, a Memoir of the embarkation of the sick and wounded… in the summer of 1862. Boston 1863.