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LA GUERRE DU PARAGUAY.

de l’opération et il y réussit. Dans ce combat, l’un des navires brésiliens, le Rio de Janeiro, ayant abordé une torpille, sombra presque immédiatement avec son équipage. C’est le seul exemple que l’on puisse citer pendant toute cette guerre de l’effet des torpilles malgré la profusion avec laquelle les Paraguayens se servirent de ces engins, et plusieurs fois à leur propre détriment : ils en souffrirent plus que leurs ennemis. D’ailleurs ils avaient encore perdu dans cette occasion plus de 2,000 hommes, tués, blessés ou prisonniers ; le reste de la garnison se sauva par la rive sur Curupaity. Le maréchal Lopez, en apprenant le résultat de la journée, fit décimer rigoureusement tous les soldats d’un bataillon, qu’il accusa d’avoir faibli, et quant aux officiers, la moitié d’entre eux furent fusillés comme traîtres à la patrie. Pour désigner les victimes, on las fit tirer à la courte paille.

Après cette action, Lopez, sentant bien l’importance du coup qui venait de lui être porté, demanda au général Mitre une entrevue qui eut lieu le 12 septembre 1866, mais qui ne produisit aucun résultat. Le général argentin repoussait toute ouverture qui n’aboutirait pas à l’exécution du traité signé par les alliés. Or, si ce traité offrait la paix au Paraguay en lui garantissant son indépendance et son autonomie, il imposait aussi comme condition l’éloignement du maréchal Lopez, et c’était naturellement un point auquel celui-ci ne voulait pas consentir.

Le succès avait rendu la confiance aux alliés, et bientôt après un corps nombreux commandé par le général Mitre en personne tenta de refaire le 22 septembre à Curupaity ce qui avait si bien réussi à Curuzu ; mais là on rencontra des obstacles beaucoup plus formidables. Construit depuis plus longtemps, revêtu en partie de maçonnerie, étudié avec plus de soin, Curupaity avait aussi une garnison et une artillerie plus nombreuses : 49 pièces de gros calibre sur ses remparts seulement. Le feu de la flottille ne produisit presque aucun effet sur de pareils ouvrages, et les assaillans, massés en colonne serrée sur la berge étroite qui leur ouvrait seule un passage pour arriver jusqu’au pied des murailles, furent accablés par un feu dont tous les coups portaient dans leurs masses profondes. En vain les bataillons argentins, qui tenaient la tête de la colonne, s’avancèrent-ils avec la plus brillante ardeur, en vain pénétrèrent-ils jusqu’au bord du fossé ; ils ne purent le franchir et finirent par être obligés de battre en retraite en laissant le terrain couvert de cadavres. Dans cette infructueuse attaque, les pertes des alliés furent très nombreuses ; ils avouèrent dans leur bulletin 4,000 hommes, mais les Paraguayens prétendent avoir ramassé sur le champ de bataille plus de 5,000 tués ou blessés. De ces der-