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du monde. D’après les données qu’il avait pu recueillir, le général Chesney avait évalué au minimum à 8 pour 100 du capital employé le produit net de la première section du chemin de fer[1]. En étendant les calculs à la ligne entière et en supputant les chances probables d’augmentation de trafic, un autre voyageur était même arrivé, au chiffre de 20 pour 100. Ce ne sont là, bien entendu, que des appréciations très vagues, mais qui méritent cependant d’être prisés en considération.

La principale difficulté que paraissent présenter la construction et l’exploitation régulière du chemin de l’Euphrate résulte, paraît-il, des dispositions hostiles qu’on peut avoir à craindre de la part des tribus arabes qui occupent le pays à traverser. Aux yeux du général Chesney et de tous les voyageurs qui ont parcouru le pays, cette crainte est imaginaire, et il serait facile de conjurer les dangers qu’on redoute. D’abord, pour ce qui est de la contrée comprise entre la Méditerranée et l’Euphrate que doit traverser la première section du chemin de fer, la sécurité est complète et l’autorité du sultan tout à fait respectée. Il en est de même des points principaux du bassin des deux fleuves, tels que Mossoul, Bagdad et Bassora. On n’a également rien à redouter des populations sédentaires, dont les chefs, loin de s’opposer à la construction du chemin, paraissent au contraire vivement la désirer, et sont parfaitement en état d’apprécier les avantages qu’ils devront en retirer. Ce sont seulement les tribus nomades qui parcourent les rives de l’Euphrate entre Giaber et Hit qui peuvent inspirer quelques craintes ; mais ces tribus elles-mêmes, le général Chesney pense qu’il serait très facile d’en avoir raison en s’entendant à l’avance avec elles, et au besoin en créant un certain nombre de postes militaires pour s’opposer à leurs déprédations. Il prétend n’avoir jamais eu qu’à se louer de ses relations avec les Arabes ; il les considère comme très fidèles à leur parole, et croit qu’en leur louant leurs chameaux, en les employant eux-mêmes aux travaux, on s’en ferait rapidement de très utiles et très sincères alliés. En tout état de cause, il serait toujours facile par la force de vaincre leur résistance, et quand on voit l’Amérique ouvrir du Pacifique à l’Atlantique un chemin de fer de 1,000 lieues à travers les prairies occupées par les Indiens, il serait ridicule de se laisser effrayer par l’hostilité possible de quelques tribus de Bédouins.

  1. En évaluant à 150,000 tonnes le trafic entre Alep et la mer, on aurait un revenu de 225,000 livres sterling en faisant payer 1 livre 10 sh. par tonne, au lieu de 3 livres 6 sh. 8 d. que coûte le transport par chameaux. En déduisant la moitié pour les frais, il resterait un produit net de 112,500 livres sterling, c’est-à-dire 8 pour 100 du capital de 1,400,000 livresque coûtera la première section.