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elle pouvait se promettre qu’avant peu ses confédérés ne seraient plus que des annexés du second degré, ou, si l’on aime mieux, des Prussiens de seconde classe.

La constitution du Nordbund a trouvé parmi les publicistes allemands de fervens et pieux admirateurs. L’un d’eux l’a proclamée un chef-d’œuvre accompli, l’effort suprême du génie politique. Il ajoute qu’on en chercherait vainement le modèle dans l’histoire antique et moderne, que la ligue achéenne n’en approche point, que ni la Suisse ni les États-Unis n’offrent rien qui lui ressemble. Il a raison, cent fois raison. Il pourrait dire aussi que le grand inventeur qui a fabriqué cette étonnante machine savait bien ce qu’il faisait, qu’il avait son but et qu’il ne l’a point manqué. Jamais œuvre ne fut plus personnelle, ne porta plus distinctement l’empreinte d’un homme, la marque et le poinçon de l’ouvrier. Il est probable que le roi Guillaume eut peu de part dans cette création. Il avait dit à Nikolsbourg son mot, le mot décisif. Il avait obtenu une bonne portion de ce qu’il demandait. Du moment qu’on ne pouvait tout avoir, qu’il fallait se résigner à ne posséder certaines provinces qu’à moitié, se contenter de l’usufruit en laissant à d’autres la propriété nue, — sur tous les arrangemens à prendre, le roi s’en rapportait à son ministre. Il était assuré qu’on le servirait à son goût, que la confédération du nord aurait un chef, que ce chef serait le généralissime de toutes les forces de terre et de mer, qu’annexés et alliés, tout le monde ferait l’exercice à la prussienne, que désormais le contingent annuel pourrait être porté de 60,000 hommes à 100,000, et que l’instrument, déjà excellent, deviendrait plus excellent encore. C’était l’essentiel. Quant au reste, il donna carte blanche à son ministre, lequel’ a tout fait pour le mieux, sans toutefois s’oublier. — « Qu’est-ce que la confédération allemande du nord ? disait un Allemand. Une institution créée par un homme et pour un homme. » Grande parole, qui mérite d’être expliquée et approfondie.

Après Sadowa, dira-t-on peut-être, le vainqueur ne pouvait-il disposer du nord de l’Allemagne comme il l’entendait ? Qui l’obligeait à garder des ménagemens, à laisser aux petits états un semblant d’autonomie ? Puisqu’on jetait le masque et qu’avouant franchement ses convoitises, on sacrifiait l’Allemagne au désir de s’agrandir, pourquoi ruser et s’imposer les ennuis d’une inutile comédie dont personne n’était dupe ? Pourquoi ne pas proclamer tout haut le droit de l’épée, et, pour citer encore La Fontaine, ce grand docteur en politique, pourquoi ne pas dire comme le lion de la fable : « Nous prenons le Hanovre en qualité de sire et par la raison que nous nous appelons lion ; les petites Saxes nous doivent échoir par le droit du plus fort ; comme les plus vaillans, nous prétendons à Brunswick ; si