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mariage forcé, moins heureux que le premier : il dut épouser la Prusse, lui vingt et unième, et, comme on ne l’épouse pas sans lui apporter un douaire, il se trouva fort empêché. Malgré sa mine d’or, la charmante principauté avait plus de dettes que de revenus ; on allait cependant, mais à peine parvenait-on à joindre les deux bouts. Or le douaire que réclamait la Prusse montait à 132,000 thalers de dépense militaire annuelle. Augmenter les impôts, on n’y pouvait songer ; bon an mal an, les propriétaires de biens-fonds payaient déjà, y compris les contributions de commune et de district, le 30 pour 100 de leur revenu. Aussi, quand le prince George-Victor soumit la nouvelle constitution fédérale à la ratification de sa diète, elle fut rejetée à l’unanimité des voix moins une. Les députés déclarèrent que la situation financière de la principauté, qui jusqu’alors permettait à peine de fournir aux besoins les plus pressans de l’état, rendait impossible aucun surplus de dépenses, qu’il fallait à tout prix s’entendre avec la Prusse, en obtenir un dégrèvement.

Le prince ne se le fit pas dire deux fois. Le gouvernement prussien accueillit ses ouvertures avec une cordialité, une bienveillance toutes paternelles. « Pourquoi vous mettre martel en tête ? lui fut-il répondu. Nous sommes gens de bon secours et de bon conseil, et qui n’avons pas l’habitude de laisser nos amis dans l’embarras. Vous savez que nous faisons tout ce qui concerne notre état et même l’état des autres. Nous épargnons à plusieurs de vos voisins la peine de recruter eux-mêmes leurs soldats, de choisir leurs officiers. Par amitié pour vous, nous ferons en votre faveur plus encore. Nous allons prendre à forfait l’administration de Waldeck, et vous nous céderez tous les pouvoirs qui vous ont été conférés par votre petite constitution, que nous respectons infiniment, constitutionnels jusque dans l’âme, comme vous savez. Seulement nous nous permettrons de réorganiser vos services publics, vos tribunaux, et dorénavant tous vos fonctionnaires seront des sujets prussiens, qui nous prêteront le serment d’obéissance. Pour occuper vos loisirs, nous vous laisserons en propriété privée votre consistoire, que vous gouvernerez comme vous l’entendrez, à la seule condition de pourvoir de vos deniers à ses petites dépenses, et, si la fantaisie nous vient de remanier votre constitution, nous vous promettons de vous en toucher un mot. Quant au reste, ce sera l’affaire d’un directeur que nous vous enverrons de Berlin, homme de propos civil et de douces manières.

Son abord n’aura rien, je crois, qui vous déplaise ;
Il viendra pour un fait dont vous serez bien aise.


Il concentrera sur sa tête toutes les responsabilités ministérielles