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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


portaient bonheur plus que les grandes, et les villages plus que les métropoles, siéges de tant de jalousies, d’ambitions et de lâchetés.

Son escorte le quitta après l’avoir installé. Il chargea de ses lettres pour Constantinople les deux officiers prétoriens, Anatolius et Théodorus, devenus ses amis et ses protégés dans la ville impériale. Il y en avait une pour Olympias et deux autres pour l’eunuque Brison et Péanius. Ces dernières furent confiées particulièrement à Théodorus, à qui elles devaient servir d’introduction près de ces hauts personnages toujours bien en cour. Les lettres à Péanius et à l’eunuque étaient plutôt de simples billets brefs et assez froids dans les termes ; ils portent l’empreinte des ombrages conçus par l’exilé contre ces cœurs fidèles auxquels il rendit bientôt pleine justice. Il leur annonçait son arrivée à Gueuse, ajoutant qu’il y était bien, et demandant en grâce qu’on l’y laissât, attendu qu’il s’était trop mal trouvé des voyages et qu’il redoutait plus un nouveau changement que la mort même.

La lettre à sa chère Olympias avait été écrite le lendemain de son arrivée. Son langage est le même au sujet de Gueuse, où il désire rester, car tout dans ce lieu lui promet la paix, et il est trop faible pour être ballotté de résidence en résidence, au milieu des aventures. « Que personne donc, ajoute-t-il, n’ait la malencontreuse idée de me tirer d’ici, dans l’intention de m’accorder une faveur. Que si, par grâce inouïe, on me donnait le choix d’une résidence suivant mon cœur, si l’on m’accordait une ville maritime voisine de Constantinople, par exemple Cyzique ou Nicomédie (c’étaient les deux séjours dont il avait été question pour Olympias), gardez-vous de refuser ; pour tout autre lieu, combattez-en la pensée avec votre prudence ordinaire ; ce serait à mes yeux un vrai malheur. Je me repose du moins ici d’âme comme de corps, à tel point que deux jours m’ont suffi pour faire disparaître les suites les plus fâcheuses de mon voyage. »

Dans cette lettre, il raconte à sa douce confidente l’histoire lamentable de son séjour à Césarée, de son trajet de cette ville à Cucuse, des souffrances qui l’ont assailli sous la main de ses ennemis, acharnés à sa perte, et sous la menace perpétuelle des brigands. « Trente jours durant et même davantage, lui disait-il, je n’ai cessé de lutter contre une fièvre dévorante, et c’est ainsi que j’ai parcouru cette longue et pénible route, sans compter d’autres infirmités non moins cruelles et mes faiblesses d’estomac. Vous devinez ce que je suis devenu au milieu d’une telle accumulation de souffrances, sans médecin, sans médicamens, sans possibilité de me procurer des bains et les choses même les plus indispensables à la vie, ne goûtant de repos ni jour ni nuit, et en alerte perpétuelle à cause des Isaures. Je