Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’épiscopat. Les chefs d’un clergé monarchique devaient épouser la théologie la plus politique, celle qui gagne les tièdes et les indifférens.

Quant aux sectes dissidentes ou séparatistes, généralement plus zélées et plus strictes, elles y gagnèrent le nom de puritaines. Opposées toutes à l’autorité de Rome, aux œuvres de la dévotion romaine, elles se divisaient sur le reste. La première et longtemps la plus nombreuse, les presbytériens, royalistes comme l’église, mais parlementaires au moins autant que royalistes, attaquaient sa hiérarchie, plusieurs de ses formes liturgiques, et tenaient jusqu’à l’intolérance pour le pur calvinisme. Après eux, on peut réduire le reste des puritains aux indépendans et aux baptistes. Généralement républicains, ils s’unirent pour renverser la domination des presbytériens, quand ceux-ci, ayant détruit celle des épiscopaux, avaient été forcés d’en venir à la république. Cromwell, Fairfax, Saint-John, Milton, Vane étaient indépendans. Ludlow, Harrison, Fleetwood, le colonel Hutchinson étaient baptistes. A l’exception du principe protestant de la justification, ils ne s’attachaient pas tous sans exception à tel ou tel dogme exclusif ; mais quoique portés généralement aux opinions extrêmes, ils avaient ce caractère commun d’introduire dans l’église l’esprit républicain, c’est-à-dire la liberté. Les indépendans surtout, réduisant à ses moindres termes l’organisation ecclésiastique, n’acceptaient aucune autorité religieuse ; à eux appartient la gloire d’avoir réclamé et pratiqué les premiers, autant que le permettaient les passions du temps, le dogme nouveau de la tolérance. Henri VIII, Edouard VI, Elisabeth avaient, par des actes exprès, enjoint sous une sanction pénale l’uniformité religieuse. C’est après la victoire des indépendans, et chose triste à dire, après que le colonel Harrison eut chassé le parlement, qu’une déclaration du conseil d’état de Cromwell proclama que nul ne pouvait être contraint (compelled, le mot de l’Evangile) à se conformer à la religion publique par des pénalités ou par toute autre voie (1653). Alors brillait ou se formait dans les lettres sacrées un essaim d’hommes remarquables, dont les noms à peine connus parmi nous mériteraient de nous être transmis avec l’illustration qui leur est due. On ne sait pas assez combien la révolution d’Angleterre a développé, tout en l’attirant à elle, l’activité de l’esprit humain.

La restauration trouva les esprits ramenés de fait à la tolérance. Les catholiques seuls en étaient exceptés ; encore étaient-ils peu inquiétés. Les lois punissaient aussi toute attaque au dogme de la Trinité ; mais elles étaient facilement éludées. Grâce à quelques artifices de langage, on pouvait garder une apparente orthodoxie ; dans toutes les sectes, un arianisme plus ou moins discret comptait