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l’artère principale du corps se rendent à ce centre nerveux ; le retour de la sensibilité n’a lieu que lorsque le sang artériel a été rendu à la moelle épinière. Ce fait se prouve d’ailleurs par la transfusion d’un nouveau sang dans les veines d’un animal qui a succombé à une hémorrhagie. Enfin une autre expérience nous en donne la preuve ; voici comment elle a été faite. Deux chiens ont succombé à la section du centre nerveux qui renferme le nœud vital. La mort apparente se produit aussitôt que le point d’origine des nerfs respiratoires a été profondément lésé. Peu à peu, les tissus nerveux perdent leurs propriétés, et, avant qu’elles aient complètement disparu, les moelles des deux animaux sont mises à nu. L’une est soumise à l’action du gaz oxygène, et la sensibilité augmente ; l’autre est mise en rapport avec le gaz hydrogène, et la sensibilité n’est point modifiée. Ces faits démontrent d’une manière péremptoire que les centres nerveux trouvent dans l’oxygène du sang, ou, pour être plus précis, dans l’oxygène du globule, leurs conditions d’activité.

Le cerveau, l’organe des manifestations les plus élevées de la vie, fonctionne comme la moelle épinière, — et un riche réseau de vaisseaux sanguins distribue dans toutes ses parties le liquide nourricier. — La masse cérébrale cependant ne saurait toujours mettre en jeu son activité fonctionnelle. L’organisme tout entier se repose après le travail du jour ; le cerveau, en dehors de la veille, ne conserve que la vie nutritive : aussi n’est-ce point sans raison que les religions de la Grèce antique avaient considéré le sommeil comme le frère de la mort. La quantité de sang transfusé à cet organe durant ces deux états si différens, la veille et le sommeil, n’est point la même. Le docteur Pierquin eut l’occasion d’observer une femme chez qui la maladie avait détruit une grande partie des os du crâne et dépouillé le cerveau de ses membranes ; la masse nerveuse, mise à nu, présentait ce reflet brillant qu’offre tout tissu vivant. Dans le repos du sommeil, la substance cérébrale était rosée, presque pâle ; affaissée sur elle-même, elle ne quittait point sa boîte osseuse. Tout à coup, au milieu du silence général de tous les organes, la malade prononce plusieurs paroles à haute voix ; elle rêve, et en quelques secondes l’aspect du cerveau a totalement changé. La masse nerveuse, soulevée, est comme projetée au dehors ; les vaisseaux sanguins, devenus turgides, ont doublé de volume ; la teinte blanchâtre ne prédomine plus : on a devant les yeux une surface d’un rouge intense. Le mouvement fluxionnaire augmente ou diminue suivant l’intensité du rêve ; quand l’organisme entier rentre dans le calme, les vives nuances de l’injection sanguine s’effacent peu à peu, et la pâleur primitive de l’organe redevient manifeste. La succession de ces phénomènes a permis de conclure que la mise en activité des