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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/447

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serres anglaises où l’on faisait mûrir artificiellement du raisin de table, se sont répandues de là sur tout le continent, et ont infligé à la production vinicole les plus grades dommages. Cette cryptogame est maintenant bien connue, et des moyens de préservation ont été découverts pour en atténuer les désastreux effets.

Une végétation cryptogamique dont l’opinion s’est beaucoup moins préoccupée, mais qui ne laisse pas de produire d’assez fréquens accidens et de mériter une attention spéciale, ce sont les moisissures qui se développent sur les alimens abandonnés trop longtemps dans un endroit humide. Le pain contenant trop d’eau, les pâtes de maïs, se recouvrent rapidement de champignons verdâtres parmi lesquels sans doute se rencontrent des espèces vénéneuses. Le pain moisi n’est pas sans danger ; pris en grande quantité, il produit de légers symptômes d’empoisonnement, des étourdissemens, une soif ardente et un abattement général. On a vu mourir des poules auxquelles on avait jeté des biscuits de Reims complètement moisis. Les nombreux accidens constatés après l’ingestion de viandes cuites qui, gardées trop longtemps, avaient contracté une légère acidité, s’expliquent peut-être aussi par l’apparition d’une végétation cryptogamique : ce qui semble confirmer cette hypothèse, c’est que, dans les circonstances où ces accidens se sont manifestés, on n’a pu découvrir la trace d’aucun poison minéral.

Parmi les champignons à fructification microscopique, — mucédinées ou moisissures, — un des plus connus est le Penicillium glaucum, ainsi nommé parce que l’assemblage de ses spores globuleuses présente sous le microscope l’apparence d’un pinceau. On le rencontre sur le pain, sur le fromage, sur les fruits qui pourrissent. Selon toute apparence, il est relativement innocent. M. Cordier s’en est assuré par des expériences directes. Un jour, il a mangé la moisissure venue sur un pot de confiture d’abricots ; n’en ayant pas été incommodé, il a mangé le lendemain celle qui recouvrait une confiture de groseilles, et une autre fois la chancissure d’une orange, toujours sans éprouver aucun inconvénient. Cela ne prouve pas, à la vérité, que ces moisissures, prises à plus haute dose, ne produiraient pas d’effet fâcheux, mais l’on peut en conclure qu’elles ne sont pas un poison dangereux.

C’est d’ailleurs ce que démontre l’expérience de tous les jours. Si chaque morceau de pain moisi renfermait un germe de maladie, si l’on ne pouvait manger impunément un fruit gâté, quel serait le sort des pauvres gens qui n’ont pas de quoi être difficiles sur la nourriture ! On sait avec quelle rapidité les alimens, une fois entamés, se gâtent, chancissent et se décomposent sous les attaques d’innombrables parasites. C’est comme si la nature était impatiente de