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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


le soleil, ne sera-t-il pas scandalisé de voir l’astre du jour disparaître du firmament et la nuit envahir la terre ? Il croira que Dieu l’abandonne. Et celui qui n’a vu que le printemps ne sera-t-il pas scandalisé de voir arriver l’hiver, cette mort de la nature ? Il croira que Dieu, reniant son ouvrage, délaisse le monde qu’il a fait. Et celui qui voit semer le grain sur la terre, et ce grain pourrir sous la glèbe et les frimas, n’est-il pas scandalisé en se demandant pourquoi ce grain perdu ? Mais plus tard il le verra renaître en moissons jaunissantes ; l’autre verra le soleil se lever de nouveau à l’horizon, et le printemps succéder encore à l’hiver. Ces hommes se repentiront alors de leur aveuglement et s’inclineront avec respect devant l’ordre établi par la Providence. Il en est ainsi des choses morales et des événemens de la vie ; il suffit de les observer, pour reconnaître bientôt avec douleur que le doute qu’on avait conçu n’est qu’un blasphème.

Mais l’histoire même de notre rédemption n’est-elle pas environnée de scandales ? Quel objet de scandale pour beaucoup n’a pas dû être ce Dieu enfant enveloppé de langes, déposé dans une étable, forcé bientôt de quitter la crèche qui lui servait de lit pour s’enfuir chez un peuple barbare ! Beaucoup ne pouvaient-ils pas dire à la vue de la pauvre famille de Joseph se bannissant elle-même : « Quoi ! c’est là le sauveur des hommes, le roi du ciel et des mondes, le fils de Dieu ? » Et ils ont dû se scandaliser. Plus tard, quand cet enfant est revenu de l’exil et qu’il a grandi, une guerre implacable s’élève contre lui de tous côtés. Ce sont d’abord les disciples de Jean qui le poursuivent de leurs haines jalouses. « Maître, disent-ils au précurseur, celui qui était avec toi au-delà du Jourdain baptise maintenant et tous viennent à lui ! » Paroles d’envie, inspirées par l’esprit du mal.

Quand Jésus commence à opérer des miracles, que de calomnies contre lui et que de scandales pour les faibles ! « Vous êtes un Samaritain, lui crie-t-on de toutes parts, et vous êtes possédé du diable. » On l’accuse d’être ami de la bonne chère et du vin, des hommes pervers et corrompus. Un jour qu’il s’entretient avec une femme, on l’appelle faux prophète ; « s’il était prophète, murmurait-on, il saurait ce qu’est la femme qui lui parle. » On grinçait des dents à son aspect, et les Juifs n’étaient pas les seuls à lui faire la guerre… « Ses frères eux-mêmes, fait remarquer un évangéliste, ne croyaient pas en lui… »

Olympias objectait, comme une justification de ses tristesses, le grand nombre de ceux qui, cédant à la persécution, tombaient dans l’erreur et le schisme. « Croyez-vous donc, réplique avec énergie Chrysostome, qu’il n’y ait pas eu de disciples scandalisés en pré-