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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.

pel de Chrysostome et le rétablissement des clergés orthodoxes de l’Orient. Il eût peut-être réussi, car, des deux enfans stupides qui régissaient alors l’empire romain, le chef du domaine occidental était incomparablement supérieur à son collègue ; mais Honorius, qui ne perdait aucune occasion de dire son avis sur l’impératrice Eudoxie, ne la ménagea point dans la circonstance, attaquant sa folle vanité, sur laquelle il faisait peser la responsabilité de tous les désordres. Arcadius fit cette fois comme il faisait toujours : il prit fait et cause pour sa femme et laissa la lettre de son frère sans réponse. Le frère, humilié, revenant au projet du pape Innocent, pensa qu’il valait mieux traiter gravement cette grave affaire par des négociations solennelles de prince à prince et d’état à état, et non plus par des lettres intimes semées d’épigrammes contre une femme. Cependant, afin de mettre dans ses résolutions plus de maturité encore, il voulut qu’une assemblée des évêques d’Italie fixât par avance l’objet et les conditions du futur concile dans une sorte de programme qui serait soumis au gouvernement oriental. Il voulut aussi que l’évêque de Rome ne fût pas le seul à écrire soit à l’empereur d’Orient, soit à l’église de Constantinople, et que d’autres évêques occidentaux joignissent leurs lettres aux siennes, afin peut-être de montrer à l’Orient que l’église occidentale, représentée par ses plus illustres évêques, marchait avec lui dans cette affaire, où il ne fallait pas chercher un effet de la rivalité des églises de Rome et de Constantinople.

Les évêques d’Italie, conformément aux vœux du prince, se réunirent pour dresser un programme du futur concile œcuménique et fixèrent les points suivans :

1o Le concile serait tenu à Thessalonique, ville mixte, pour ainsi dire, entre les deux empires, puisque, appartenant au domaine politique oriental, elle restait, comme toute la Grèce européenne, dans la communion religieuse occidentale. Sa situation géographique offrait en outre de grandes commodités pour la réunion des évêques de l’une et de l’autre moitié du monde romain.

2o Il serait admis en principe que tout ce qui s’était passé depuis la réunion du synode du Chêne était nul et de nulle conséquence, qu’ainsi Jean Chrysostome n’avait point cessé d’être le légitime archevêque de Constantinople, — qu’il devait, à ce titre, être rendu à son église et tenu de comparaître en sa qualité, pour qu’on n’eût pas une troisième fois à prononcer un jugement par défaut.

3o L’archevêque Jean comparaissant comme accusé, le patriarche d’Alexandrie, Théophile, son principal accusateur, serait sommé de comparaître également, de manière à rendre les débats contradictoires.