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drie. Malgré la paix prononcée à l’autel, les rancunes ne quittèrent point son cœur ; mais enfin il obtint contre d’autres ennemis l’alliance qu’il convoitait. Dix ans après, il figurait avec le titre de légat du pape dans les querelles du nestorianisme.

Tout n’était pas fini, mais déjà Innocent pouvait être proclamé à bon droit le pacificateur de la chrétienté. On ne contemple point sans respect et sans admiration dans l’histoire cet homme simple et grand, ce prêtre des montagnes d’Albe qui montrait au monde, sous le vêtement du pontife chrétien, l’âme calme et froide des vieux Romains. Un poète latin avait célébré jadis en de beaux vers « l’homme juste, inébranlable dans ses desseins, et résistant aux assauts de l’univers entier avec une impassibilité qui ne tenait point de la terre. » L’idéal du poète païen semblait s’être réalisé dans la personne d’un pape chrétien, défenseur de la justice, et que rien n’avait pu faire sortir « de la forte assiette de son âme, non… mente quatit solida. » S’il n’assista pas au dénoûment de son œuvre, Innocent put prévoir, avant de mourir, que son inflexible volonté avait fini par dompter les faits, et que l’église marcherait sûrement dans la voie qu’il lui avait tracée par la pensée.

Cependant la mort déblayait, d’année en année, le terrain sur lequel tant de passions s’étaient agitées depuis un tiers de siècle autour de la personne ou du nom de Chrysostome. Frappé à son tour en 425, Atticus laissa le siége métropolitain de Constantinople à des successeurs qui n’avaient point trempé dans la persécution, et les dissidens joannites rentrèrent successivement dans la communion des archevêques. En même temps que l’unité se reformait, la vénération enthousiaste pour l’exilé de Gueuse renaissait dans son église, et l’on ne craignait plus de prêcher ouvertement sur sa gloire et sur son martyre, en face même des persécuteurs. Enfin le sort des élections amena sur le trône épiscopal en 434 un homme qui, dans son enfance, avait été lecteur et scribe de Chrysostome, et même, dit un historien, « serviteur attaché à sa personne. » Proclus, c’était son nom, conservait pieusement la mémoire de son ancien maître, et ne négligeait aucune occasion de la rappeler au peuple. Un jour donc de l’année 437, comme il faisait son panégyrique à l’occasion de sa fête, les assistans l’interrompirent par des acclamations. « Nous demandons, s’écrièrent-ils, qu’on nous rende notre évêque Jean, nous voulons le corps de notre père ! » Proclus se hâta de faire connaître à l’empereur ce vœu populaire, dans la satisfaction duquel il entrevoyait un retour complet de la paix.

Théodose II, qui occupait toujours le trône des césars d’Orient et gouvernait alors par lui-même, acquiesça sans hésitation au désir du peuple et de l’archevêque. Élevé dans son jeune âge par les soins de sa sœur aînée Pulchérie, qui n’avait jamais partagé, au