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une image de Dieu. Les contemporains ne nous disent pas de quelles amères douleurs les dernières persécutions de cet ami affligèrent Olympias ; mais il semble qu’elle trouva, dans le coup suprême qui terminait ses maux, une magnanime consolation. Il ne souffrait plus ; bien loin de là, il avait reçu la récompense du combat, la couronne des martyrs, et veillait sur elle du sein de Dieu : c’était là le sentiment qui parut la dominer dans le reste de sa vie.

Comme son père vénéré, elle était allée d’abord d’exil en exil, à Cyzique et à Nicomédie, où elle finit par se fixer. Elle avait laissé dans Constantinople, comme on l’a vu, une maison de vierges qui aurait pu lui servir de retraite, car après la mort de Chrysostome son exil pouvait être aisément levé ; mais la ville impériale lui était devenue odieuse. Le séjour de cette terre d’Asie, théâtre des dernières souffrances de l’archevêque, ne lui était guère moins cruel ; elle s’arrangea de manière à mourir vivante dans son lieu de bannissement, où pourtant les afflictions, les tribulations, les tempêtes continuèrent à l’assaillir. Elle recevait tout avec calme et indifférence, comme si elle n’eût plus appartenu au monde. Les amis de Chrysostome la visitaient avec respect, la traitant déjà comme une sainte. Un d’eux, Palladius, qui la vit à cette époque, nous a laissé un touchant tableau de sa personne. C’était toujours la même simplicité dans sa mise, les mêmes austérités sur son corps, les mêmes pratiques charitables dans les limites d’une fortune réduite presque à la pauvreté. Dans sa maison comme à l’église, c’étaient toujours des prières et toujours des larmes.

Tandis que les amis de Chrysostome l’entouraient de leur vénération, ses ennemis la déchiraient. Théophile eut bien l’affreux courage d’insérer, dans le libelle dont nous avons parlé, une diffamation contre la femme généreuse dont lui-même mendiait les libéralités au temps de son opulence. Il omit pourtant de mentionner, dans sa satire contre elle, une petite histoire qu’un contemporain nous a révélée. Palladius rapporte qu’un jour que cet homme cupide et enrichi du produit de tant d’exactions et de vols sollicitait de la diaconesse une forte somme d’argent, pour les pauvres d’Égypte, disait-il, et que celle-ci hésitait, il se prosterna à ses pieds pour arracher, par l’excès de son humilité, ce que l’on semblait refuser à sa simple prière. Olympias à cette vue resta stupéfaite, et, se prosternant elle-même, elle s’écria : « Levez-vous, mon père ; je ne resterai pas debout quand un évêque est à mes pieds. » Théophile se releva plein de confusion ; mais elle ne lui fit que de minces présens, trouvant qu’il était assez riche pour subvenir à ses propres aumônes. Si le patriarche d’Alexandrie avait oublié le fait, les amis d’Olympias se le rappelaient, et en le divulguant ils firent à cet homme la seule réponse que méritât son infamie.