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Florence. Nous ne dirons pas que tout fut bien pesé dans ces imprécations contre le lion pseudo-antique ; c’était une réaction contre les bêtes apprivoisées : nous dépassons si souvent la mesure ! Les uns réclamaient que les morceaux de Barye fussent répétés en des dimensions colossales, oubliant que la grandeur réside dans les rapports harmonieux des proportions, et que la Bavière, de Munich, ni le cardinal Borromée, qui ont le don de réjouir les touristes, ne sont pas les plus grands morceaux de la statuaire. Cette recherche de l’énormité et du monstrueux n’est pas exempte de barbarie. D’autres admiraient que M. Barye n’eût pas encore son siège à l’Institut. Étonnement bizarre ! est-ce que cet homme était fait pour arriver de bonne heure dans la docte assemblée ? Tant d’artistes, et des meilleurs, n’y ont rencontré qu’un échec. Nous ne nommerons que Rude, bien qu’il ne soit pas le seul. M. Barye n’était pas celui qu’il fallait pour ces sortes d’entreprises ; il ne s’était pas condamné à cette tâche.

En 1848, il crut bon de s’abstenir de figurer à cette exposition, qu’on a tant tournée en ridicule depuis, peut-être parce qu’on vit s’y renouveler le phénomène de la confusion des langues dont l’édification de la tour de Babel nous a fourni le premier exemple, peut-être en raison de cette habitude moutonnière qui nous porte à rire de ce qui a provoqué le rire d’autrui. Il est encore d’usage aujourd’hui de voir un motif de gaité, un thème à raillerie dans ce pandémonium, dans ce panthéon un peu étrange en effet, où le grand festin de la publicité fut si largement servi, sans qu’aucun prêtre auparavant se crût obligé d’immoler des victimes ni d’invoquer les immortels. L’avenir dira combien on a été forcé plus tard d’emprunter à cette exhibition trop décriée. En tout cas, elle eut le mérite de mettre en lumière des travaux ignorés jusque-là du plus grand nombre, qui n’étaient pas indignes de cette faveur et qu’écartaient quelques hommes à la foi robuste, entêtés de superstitions et de préjugés. M. Barye fut alors chargé de la direction d’un des services du Louvre. On le préposa au moulage des antiques ; il eut son atelier dans le palais. Il ne supposa point que ce témoignage de confiance dût rester stérile, que ce fût un bénéfice et une sinécure. Il introduisit dans la pratique des améliorations dont quelques-unes sont restées. La reproduction des épreuves, abandonnée à des intérêts trop étroitement commerciaux, fut l’objet de plus de soins. On s’y montra plus soucieux de l’enseignement du beau. Le Louvre, non content de répéter par les exemplaires de sa chalcographie les plus intéressans spécimens des maîtres qu’il possède, vend à des prix accessibles à toutes les bourses les moulages de ses divers trésors, vases, bustes, statues. Les amateurs, les artistes de France