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périodiques, pour mettre la politique de progrès régulier et de liberté légale en face de la politique de l’agitation et de la violence. Ce sont là les deux politiques en présence aujourd’hui, et on peut dire que cette lutte a déjà ses péripéties ; depuis un mois, elle s’est manifestée assez bruyamment, par des incidens assez significatifs, pour caractériser tout à la fois la situation générale du pays et la situation du ministère du 2 janvier.

Que dans certains momens de contrainte et de compression universelle les esprits passionnés ou troublés qui n’attendent jamais rien que des révolutions violentes aient une apparence de raison et de force, cela se conçoit ; ils ont l’air d’être avec le pays, ils peuvent s’armer de droits réels méconnus, et ce qu’il y a de menaçant dans leurs idées ou dans leurs passions disparaît dans l’opposition de tous. Le jour où le pays rentre dans ses droits et retrouve la liberté, la séparation se fait, et la violence, réduite à elle-même, reparaît sous son vrai jour : elle n’est plus que la violence pour la violence, l’agitation pour l’agitation. Alors se produisent tous ces beaux spectacles que nous voyons depuis quelque temps : on déclare la guerre sans trêve et sans merci, on prépare des journées, on saisit l’occasion d’un déplorable meurtre pour organiser des manifestations qui finissent par des imprécations impuissantes ; des esprits lugubres s’en vont dans des banquets célébrer l’anniversaire de l’exécution de Louis XVI. Les polémiques de journaux s’enfiellent d’outrages et deviennent des actes d’accusation contre tout le monde. C’est un concert d’excentricités, d’invectives et de sinistres facéties. Cette agitation n’est point absolument inoffensive sans doute, puisqu’elle entretient l’incertitude ; au fond, elle est dominée par la puissance des choses. Elle ne cède pas uniquement à la force matérielle qui la tient en respect, elle est vaincue par la raison publique. Ces Épiménides de 1793 qui se réveillent tout à coup aujourd’hui se trompent de date. Ils auraient pu à la rigueur, s’ils s’étaient réveillés il y a quelques années, se croire fondés à engager une lutte ouverte et implacable contre un régime qui tenait tous les droits dans sa main : désormais tout a changé. La liberté existe, elle est certes aussi étendue qu’elle a pu l’être jamais. Le corps législatif va être bientôt en pleine possession de toutes les prérogatives, L’n esprit nouveau a pénétré dans le gouvernement, la réforme des institutions et des lois se poursuit chaque jour. Comment tout cela a-t-il été obtenu ? Par l’action régulière du pays, par l’influence persévérante et grandissante du vœu public. Et par une logique singulière, c’est en présence de cette démonstration saisissante de la puissance de l’opinion que quelques tribuns émancipés prendraient à tâche de souffler à une nation tout entière l’insurrection et la révolte ! C’est maintenant qu’ils voudraient lui persuader de renoncer aux moyens qui lui ont réussi, pour se jeter dans des aventures où elle n’a jusqu’ici trouvé que des réac-