Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et aggraver les difficultés. Une dissolution serait un aveu d’impuissance dont le catholicisme contemporain pourrait ne pas se relever. On le voit, la crise est fort grave. Elle a mis en pleine lumière l’opposition tranchée, absolue du catholicisme libéral et de ce que M. l’évêque d’Orléans appelle le romanisme. Voici en quels termes M. l’abbé Gratry caractérise dans ses deux premières lettres cette tendance, qui, ne l’oublions point, est prépondérante maintenant : « Le mensonge profitera-t-il à Dieu, à l’église, à la papauté ? Ni la papauté, ni l’église, ni Dieu, n’ont voulu le mensonge ; numquid indiget Deus mendacio vestro ? Aujourd’hui les courtisans de l’un des douze apôtres, de celui qui d’ailleurs est aux yeux de tous le plus grand, ces courtisans semblent dire au peuple chrétien : Il est tout, les autres ne sont rien… Je comprends plus clairement que jamais pourquoi notre admirable mère, la sainte église de Dieu, mère de l’humanité, dont l’âme n’est autre chose que l’ensemble de tous les justes qui ont toujours vécu, je comprends pourquoi notre mère bien-aimée règne à peine, aujourd’hui encore, sur la vingtième partie du genre humain. La raison du retard, la voici : c’est l’ennemi secret et intérieur qui arrête notre marche ; c’est cette école d’erreur que je dénonce et qui n’est autre chose que l’obstacle prévu par le Christ, — ces portes de l’enfer qui essaieront de prévaloir contre l’église, mais qui ne pourront prévaloir. Or la vue claire de l’ennemi, de ses œuvres et de ses démarches me remplit d’espérance. Le voilà, l’ennemi caché, le voilà démasqué ! »

Malheureusement cet ennemi pourrait être tout ensemble démasqué et vainqueur au Vatican. Que sortira-t-il de tout cela ? — Il est impossible de le prévoir ; nous nous bornons à former le vœu que jamais les hommes qui ont élevé le drapeau du libéralisme chrétien dans le catholicisme ne consentent à l’abaisser sous prétexte de soumission, car ils contribueraient ainsi à faire confondre l’Évangile avec une doctrine d’oppression qui répugne à toutes les consciences droites ; ils sacrifieraient à la fausse autorité l’honneur du christianisme et ce qui doit être à leurs yeux le salut de la société moderne.


EDMOND DE PRESSENSE.