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en quelque sorte attachées à la terre, d’autres douées de la faculté de se mouvoir dans l’air, d’autres enfin destinées à vivre dans l’eau. Animaux terrestres, aériens, aquatiques, voilà les seules distinctions avant tout examen un peu attentif. Dans le spectacle de la nature, rien ne frappe plus vivement l’esprit humain que les circonstances de la vie.

L’idée presque naïve qui fait concevoir de grands rapports entre les êtres les plus dissemblables, s’il y a quelque analogie dans certaines facultés et dans le séjour, s’enracine si profondément qu’elle persiste en présence de notions bien suffisantes pour la faire abandonner. Les exemples abondent. Autrefois, pour tous les yeux qui, avec une sorte de terreur superstitieuse, considéraient les chauves-souris pendant leurs rapides évolutions nocturnes, ces animaux, ayant la faculté de voler, devaient être des oiseaux. A une époque à laquelle déjà des connaissances scientifiques étaient acquises, les ignorans n’étaient plus seuls à suivre cette opinion. Les chauves-souris ont le corps couvert de poils, elles ont des dents, elles mettent au monde des petits vivans, elles allaitent leurs jeunes, en un mot elles réunissent tous les caractères essentiels des animaux terrestres habituellement désignés sous le nom de quadrupèdes. Des hommes instruits de ces faits par l’observation continuent néanmoins, comme les ignorans, à voir dans les chauves-souris des oiseaux d’une forme étrange ou tout au moins des êtres qui tiennent à la fois des oiseaux et des quadrupèdes. Au XVIe siècle, Belon, le naturaliste voyageur, Scaliger, le célèbre érudit, se contentaient de ce genre d’appréciation. Un sentiment aussi mal fondé se prononce bien plus énergiquement encore à l’égard des dauphins et des baleines ; la persistance à regarder ces habitans des mers comme des poissons cède avec une peine extrême devant la notion exacte des traits les plus caractéristiques de leur organisme. Comme à la condition de séjour commune aux dauphins et aux poissons se joignait une assez grande ressemblance dans la forme générale du corps, on résista beaucoup avant de reconnaître la vérité. On n’ignorait pas que les baleines et les dauphins sont des animaux à sang chaud, les poissons des animaux à sang froid, que les uns ont une respiration aérienne, les autres une respiration aquatique, que les premiers, véritables mammifères, fournissent du lait ; malgré tout, les baleines et les dauphins, vivant dans l’eau, semblaient ne pouvoir être que des poissons.

Si l’attention s’arrête le plus volontiers sur les conditions de séjour, elle est ensuite captivée par des aptitudes séduisantes. Sans avoir étudié, on a de tout temps admiré la construction du cygne et des autres oiseaux de la même famille si heureusement appropriée à leur mode de natation. Sans plus d’efforts, on a remarqué