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les attaques possibles ; ils déploient une activité prodigieuse pour trouver les alimens qui conviennent à leurs enfans, et ils témoignent à ceux-ci un amour inépuisable. La nécessité d’élever les jeunes et de travailler pour eux amène l’union durable de deux individus, un mâle et une femelle, heureux d’être rapprochés dans un sentiment d’affection mutuelle, et la famille se constitue. La loi est générale. Le besoin et le plaisir de vivre ensemble ne vont pas au-delà d’une saison, si dans cet espace de temps les petits sont devenus assez forts pour prendre leur liberté ; ils se prolongent davantage, si la croissance des jeunes est plus tardive. Que ceux-ci réclament pendant un temps très considérable le secours de leurs parens, les époux demeureront presque indéfiniment attachés l’un à l’autre. M. Jules Verreaux, le naturaliste voyageur, particulièrement familiarisé avec l’histoire des oiseaux, en a signalé un exemple chez une espèce fort intéressante à divers titres. Tout le monde a remarqué dans les ménageries ce singulier oiseau de proie qu’on nomme indifféremment le messager, le secrétaire ou le serpentaire. Il a des pattes d’une hauteur comparable à celle des membres d’une grue ou d’une cigogne ; c’est une sorte de faucon monté sur des échasses. Il a une démarche grave et fière ; une huppe raide, située en arrière de la tête et toujours frémissante, lui donne une extrême élégance. À cause de cette huppe, l’oiseau est devenu le secrétaire pour ceux qui y ont vu une ressemblance avec la plume que se mettent derrière l’oreille les gens chargés de tenir les écritures, le serpentaire pour ceux qui ont préféré rappeler une particularité de mœurs de l’oiseau de l’Afrique australe.

Les secrétaires, fort répandus aux environs de la ville du Cap, sont respectés par les habitans à raison des services qu’ils rendent dans la colonie. Autour de la plupart des habitations, il y en a un couple qui établit son aire au sommet des buissons élevés et très ordinairement à la cime des mimosas. Ces oiseaux faisant une chasse incessante aux serpens, on s’explique sans peine l’utilité de leurs grandes échasses. Ils dominent le terrain, et comme leur vue est très perçante, ils distinguent de loin le reptile, qu’il est sage de ne pas aborder sans précaution. Aussi le serpentaire qui a découvert une proie avance avec prudence, et, l’œil animé, les plumes du cou et de la nuque dressées, il épie le moment favorable, puis s’élance d’un bond, et souvent, d’un seul coup de pied appliqué avec une force incroyable, il terrasse sa victime. Parfois le serpent blessé se redresse furieux, sifflant avec rage, et se jette sur l’ennemi ; mais le serpentaire, bientôt remis d’une hésitation et naturellement peu timide, ouvre les ailes pour s’en faire un bouclier, évite les atteintes par des sauts brusques, et, le reptile tombant sur le sol épuisé de fatigue, l’oiseau s’en approche et le tue à coups de pied. Ces sortes