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blanc, il n’est souvent que trop facile à la nourrice d’obtenir, sinon du maire, du moins du secrétaire de la mairie, de rajeunir ou de vieillir son lait. C’est ainsi qu’une femme L…, acquittée par la cour d’assises de la Seine, avait pu affirmer par son certificat que son dernier enfant était âgé de dix mois alors que son dernier accouchement datait de six ans. Les nourrices ne doivent avoir chacune qu’un seul nourrisson : combien en ont à la fois deux, trois ou même quatre ! Pour obtenir le certificat, il n’est sorte de fraudes auxquelles elles n’aient recours. L’enfant étranger qu’elles allaitent n’est pas un nourrisson, c’est le nouveau-né d’une voisine malade qu’elles ont pris par charité, c’est un enfant qu’elles ont comme pensionnaire ; mais il a été spécifié qu’il ne doit être élevé qu’au biberon. Le certificat qu’on leur délivre sur ces explications mensongères a pour résultat d’amener chez elles une troisième victime. D’autres fois certaines femmes, de celles surtout qui sont en relation directe avec les familles, prennent plusieurs nourrissons à Paris pour les distribuer ensuite à des voisines moyennant une légère redevance.

Hâtons-nous de le dire, à côté des mauvaises nourrices, trop nombreuses, il en est quelques-unes d’excellentes et qui sont pour leurs nourrissons de véritables mères. « Que de fois, dit M. Brochard, qu’on ne saurait trop citer, car il joint au mérite de la franchise l’autorité d’un témoin oculaire, que de fois j’ai vu des nourrices donner à des nourrissons les vêtemens de leurs propres enfans ! que de fois j’en ai vu nourrir des mois entiers des enfans dont les termes n’étaient pas payés, ne voulant pas les sevrer prématurément, ne voulant pas d’un autre côté les reconduire à Paris de peur qu’ils n’y fussent pas aussi heureux qu’ils l’étaient chez elles ! J’ai vu de ces femmes ne pas craindre d’augmenter leurs propres charges et adopter le nourrisson qu’elles avaient élevé, plutôt que de le laisser mettre aux enfans trouvés. Le petit Parisien continuait à faire partie de la famille et occupait à l’humble foyer le même rang que les autres enfans de la nourrice. » Si de pareils faits étaient fréquens, on pourrait peut-être compter sur la saine contagion des bons exemples ; malheureusement il n’en est pas ainsi, et nous devons chercher quels sont les moyens de diminuer les ravages qu’exerce l’industrie nourricière et de protéger efficacement la vie des nouveau-nés contre tant de causes de maladie et de mort.


III

Dans cette longue discussion qui, depuis près de quatre ans, s’agite à l’Académie de médecine, deux systèmes principaux ont été préconisés et se partagent les suffrages. L’un, celui de la réglementation à outrance, a été proposé par la commission, et surtout par