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même à peine ébauchées, sa tâche devenait plus facile; il échappait à sa préoccupation constante et en même temps il rendait service à celui dont il usait ainsi. Aussi son offre fut acceptée et l’occasion saisie avec empressement. L’expérience s’en poursuivit pendant toute une année, année laborieuse et féconde, mémorable pour le pays lui-même, qui reprenait haleine sous l’abri d’un pouvoir résolu, d’une volonté forte et puissante. Ce que cet apprentissage du ministère des finances dans une position si favorable à tout voir et à tout étudier, ce qu’un commerce intime avec un homme d’une trempe aussi rare que le baron Louis devait faire acquérir au jeune conseiller d’état d’autorité pratique et de sûreté de jugement, je n’essaierai pas de le dire; il me faudrait le suivre dans toutes les branches du service, dans les moindres détails de l’administration : ce qu’il suffit de noter, c’est la situation que lui valut dans la chambre cette continuelle nécessité d’y prendre la parole. Il y a peu de rôles moins commodes, disons mieux, plus ingrats que celui d’avocat d’office, et tel est à peu près le sort d’un commissaire du gouvernement, parlant de loin en loin, et comme par hasard, devant une assemblée à laquelle il n’appartient pas. Ces sortes de plaidoiries sont prises rarement au sérieux. Il n’en fut point ainsi des explications toujours sobres, mais concluantes, données régulièrement au nom du ministre des finances, tantôt quand il était absent, tantôt en sa présence même. La continuité de cette mission lui avait-elle donné plus de poids? ou bien l’orateur officiel avait-il su se rendre personnellement agréable? Toujours est-il que dès l’abord on l’écouta, on l’accueillit avec une faveur marquée; bientôt le gros de l’assemblée l’avait comme adopté et lui ouvrait ses rangs en quelque sorte, si bien qu’au bout de dix-huit mois, lorsqu’il y entra tout de bon et pour son propre compte, la différence fut insensible; il n’y avait, à vrai dire, rien de changé pour lui.

Et cependant c’est à dater seulement de cette époque, du jour de son élection, de la fin de février 1833, que sa présence dans cette enceinte prend tout son intérêt et doit vraiment nous occuper. Il n’était jusque-là monté à la tribune que pour répondre à des questions de détail, fournir des explications, des éclaircissemens, ou si parfois on l’avait vu se donner carrière, si en répondant un jour à M. Laffitte, et, tout en rectifiant ses chiffres et ses assertions, il avait exposé largement les vrais principes en matière de budget, ou bien encore s’il avait défendu pied à pied, sans s’interdire les développemens qui lui semblaient nécessaires, certaines institutions financières telles que l’amortissement, par exemple, ce n’en était pas moins un rôle limité que le sien; il ne pouvait parler exclusivement que de finances et n’avait rien à voir au reste des affaires, tandis qu’une fois député, toutes les questions lui devenaient ouvertes, et