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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/587

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émeutiers, mais par de soi-disant amis de la monarchie qui avaient endossé, au mépris de toute discipline, leur habit, symbole de l’ordre et du respect des lois, pour obéir, sans s’en douter, aux meneurs de cette république dont ils ne voulaient pas, que bientôt ils allaient maudire, et dont personne alors ne prononçait encore le nom. Si peu nombreux que fussent ces prétoriens d’un nouveau genre, comme eux seuls se mettaient en avant et que l’immense majorité de la milice citoyenne restait, par apathie ou par indifférence, au fond de ses boutiques ou au coin de son feu, on comprend que le roi fut tout à coup frappé d’un péril formidable; mais ce n’était pas le remède, ce n’était pas le moyen de salut, c’était un vrai suicide que de se montrer faible à ce moment suprême, et de supprimer tout gouvernement.

Ceux qui après coup ont prétendu que le cabinet avait perdu la monarchie en acceptant si vite et en divulguant à la chambre les intentions du roi, que son devoir était de les tenir secrètes, de redoubler d’énergie et de sauver la royauté malgré elle, ceux-là font preuve d’une étrange ignorance en matière de gouvernement. L’union patente, incontestable de la couronne et des ministres aurait suffi peut-être, et je le crois pour ma part, à dissiper l’orage sans lutte sérieuse, sans effusion de sang; mais du moment qu’on aurait su (et qui dans tout Paris l’eût ignoré au bout d’une heure?) que cette union n’existait pas, que le ministère était désavoué, qu’il s’imposait à la couronne, quels ordres efficaces aurait-il pu donner? qui aurait obéi? Le devoir était donc de s’incliner promptement devant une faiblesse irréparable, d’en laisser le bénéfice à la couronne, à supposer que les passions populaires voulussent bien lui en savoir gré, et en tout cas d’ouvrir à d’autres par une prompte retraite une chance meilleure de faire un gouvernement.

Quant à ceux qui ont cru que sans de malheureux hasards tout aurait bien tourné, et que la royauté se serait applaudie d’avoir suivi les timides conseils et obéi aux influences obstinées qui en un quart d’heure avaient détruit le cabinet du 29 octobre, c’est un autre genre d’illusion peut-être moins sérieux encore. Que le coup de pistolet du boulevard des Capucines et les cadavres promenés aux flambeaux aient puissamment aidé à l’avènement de la république, personne n’en saurait douter; mais, à défaut de ces hasards plus ou moins volontaires, il s’en fût trouvé d’autres dont les mêmes hommes auraient tiré même profit. Ce qui donne le mot de cette inexplicable journée du 24 février, ce qui devait nécessairement nous faire tomber en république, quelque imprévue qu’elle fût une heure auparavant et sans qu’il fût possible de s’arrêter dans cette chute, c’était que la royauté se fût elle-même dépouillée de tout moyen de résistance. A l’instant même, sa cause fut perdue. Les chefs républicains, jusque-là derrière le rideau, à l’arrière-plan,